Renseignement et sécurité intérieure au Cambodge
Éric DENÉCÉ
Nota
S’il est généralement difficile d’obtenir des informations sur l’organisation du renseignement dans les Etats non démocratiques, cela l’est encore davantage au Cambodge. Il existe peu de sources en français ou en anglais sur ce sujet. Les documents officiels, quand ils existent, sont particulièrement protégés en raison de la paranoïa sécuritaire du régime. La langue khmère n’étant presque jamais traduite par les grands fournisseurs mondiaux d’information électronique (Lexis Nexis, Factiva), lorsque certains textes, décrets ou organigrammes sont rendus publics, il est très difficile d’en avoir communication et traduction. L’auteur est donc pleinement conscient de n’apporter ici que des éléments d’information très parcellaires.
Historique du système de renseignement et de sécurité
Le Cambodge ne bénéficie pas de tradition de renseignement. Tout au plus dispose-t-il d’un certaine expérience de police secrète, héritée de la succession de régimes assez peu démocratiques, attachés à neutraliser les opposants et les agissements des « agents de l’étranger » sur le sol khmer.
A travers son histoire mouvementée, ce pays a connu, depuis 1953, une succession d’agences à la durée de vie éphémère et sans aucune filiation entre elles, en raison du caractère antagoniste des régimes politiques que se sont succédés. Ainsi, le plus souvent, les archives ont disparu.
Depuis l’indépendance en 1953, les services de Police ou de sécurité n’ont jamais été des institutions neutres et indépendantes. Ils ont toujours été étroitement liés aux hommes politiques les plus influents. Derrière ces derniers, se profilait et se profile toujours l’ombre des pays étrangers qui les soutiennent et de leurs services de renseignement.
Sous le règne de Sihanouk (1953-1970), c’est la Chine qui étend son influence et ses réseaux dans le royaume. Sous la République khmère de Lon Nol (1970-1975), ce sont les Américains et la CIA qui assistent les autorités pour le contôle du pays. Entre 1975 et 1979, c’est le règne de l’Angkar et de son Santebal, la terrible police secrète des Khmers rouges, qui eut à sa disposition le sinistre centre d’interrogation et d’exécution S-21 de Tuol Sleng, à Phnom Penh. Puis de 1979 à 1991, le pays est sous le contrôle de son voisin vietnamien et de ses services secrets.
Une culture de la sécurité marquée par les expériences totalitaires
Conséquence de cette dernière influence, le système sécuritaire cambodgien a été organisé, à partir de 1979, sur un modèle soviétique. Au début des années 1980, le ministère de la Justice du régime communiste pro vietnamien publia un décret traduisant l’orientation prioritaire du dispositif répressif sur les crimes politiques. Il distinguait cinq niveaux de fautes et de sanctions :
– aider ou protéger un individu connu pour être un traitre à la révolution : 2 à 7 ans d’emprisonnement ;
– se livrer à la subversion ou au sabotage économique : 5 à 10 ans de prison ;
– prendre les armes contre l’Etat : 15 ans de prison ;
– tenter de renverser de l’Etat ou commettre un crime contre la « Révolution » : 20 ans de prison ;
– espionnage, rébellion et actes de sédition de la part d’individus ayant des responsabilités officielles : 20 ans de prison ou la peine de mort.
Les anciens Khmers rouges convaincus de crimes contre l’humanité étaient condamnés à mort. Toutefois, cette condamnation devait être approuvée par le Conseil d’Etat. Et pour cause, le régime installé par Hanoi, en janvier 1979, se composait majoritairement d’anciens Khmers rouges écartés par Pol Pot lors des rivalités internes du mouvement.
Jusqu’à la fin des années 1980, on sait très peu de choses sur le dispositif de sécurité interne du pays, si ce n’est que les agents du ministère de l’Intérieur sont principalement engagés dans des missions de contre subversion et sont encadrés de conseillers vietnamiens et est-allemands.
L’organisation du ministère de l’Intérieur est le reflet de la structure traditionnelle de la sécurité interne dans les Etats communistes. Il comptait une quinzaine de bureaux, dont ceux de la sécurité des cadres du parti, de la sûreté idéologique et de la défense intérieure.
Tous les membres de la police, du ministère de l’Intérieur et des forces armées disposaient de l’autorité nécessaire pour procéder à des arrestations.
Le contrôle de l’appareil de sécurité enjeu des rivalités entre factions politiques
Le pays et ses institutions connaissent une certaine stabilité depuis le retour à la « paix », suite à l’intervention de l’ONU[1]. Lentement, les forces de sécurité (policiers et militaires) ont connu une modernisation et une déflation – difficile – des effectifs. Mais la démocratisation et la professionnalisation ont peu progressé : le non respect du droit et l’absence de compétence restent les problèmes centraux, malgré une importante assistance technique et matérielle étrangère.
L’influence de l’ONU sur la réforme de l’appareil de sécurité a été quasiment nulle. Dans les faits, le Parti du peuple cambodgien (PPC[2]) continue à contrôler l’appareil de sécurité et de police du pays, malgré le retour des membres de la guérilla[3] et leur intégration progressive dans les armées et la police.
Ainsi, en juillet 1997, des affrontements ont éclaté entre le PPC de Hun Sen et le FUNCINPEC[4] de Norodom Ranariddh. Le prince, alors second Premier ministre[5], est alors écarté du pouvoir par un coup de force de Hun Sen[6]. Aussitôt, certains programmes de coopération occidentaux (Australie, Etats-Unis, etc.) en matière de sécurité ont été suspendus. Ce vide a été très rapidement comblé par la Chine, dont les conseillers ont fait rapidement leur retour officiel dans le royaume.
Si le pouvoir réel demeure, depuis 1993, entre les mains de Hun Sen et du PPC, ce parti est toutefois lui-même traversé de nombreuses lignes de forces et factions qui s’affrontent, parfois très durement, pour le contrôle de l’appareil et du pays. Chacune d’elles dispose de ses propres partisans dans le gouvernement, l’administration et les forces de sécurité. C’est pourquoi les organigrammes officiels sont purement formels, les véritables réseaux n’ayant pas d’apparence visible.
Rappelons que de 1979 à 1981, Chea Sim – dont l’un des fidèles est Sâr Kheng, actuel ministre de l’Intérieur – avait tenté de prendre le contrôle de tout l’appareil policier du pays. Hanoï l’avait écarté et remplacé par Khang Sarin, puis par Nay Pena.
A partir de cette époque, la sécurité khmère s’est divisée en deux clans, inféodés aux deux grands voisins du Cambodge : celui de Hok Lundy – formé par Hanoï et resté fidèle jusqu’à sa mort à ses mentors vietnamiens – et celui de Sâr Khéng et de Chea Sim[7], proches de la Chine.
Depuis plusieurs années, le Premier ministre Hun Sen a tenté de prendre le contrôle de l’appareil de sécurité, mais sans succès.
Un pouvoir davantage informé par les étrangers que par ses services
En conséquence, Hun Sen n’est pas au courant de ce qui se passe dans son propre pays, alors même qu’il est au pouvoir depuis 1984. Par exemple son gouvernement a été totalement dans le flou à l’occasion des récents problèmes frontaliers avec la Thaïlande, autour du temple de Preah Vihear (2008). Il lui a fallu près de trois semaines pour identifier avec précision la nature du problème (de quel temple s’agit-il ? Sur quelle frontière ? Appartient-il au Cambodge ou non ?).
Le gouvernement khmer manque cruellement d’informations dans tous les domaines. Ses ambassades à l’étranger (notamment celle de Bangkok) ne disposent pas de réseaux ou ne travaillent pas. S’il n’y a guère de système organisé pour la collecte du renseignement, il y a encore moins d’analyse et de capacités d’analyse au sein des administrations spécialisées.
Les dirigeants khmers sont donc informés de ce qui se passe dans leur pays ou dans le monde grâce à la presse internationale, aux diplomates et aux services étrangers. En effet, de puissants réseaux de renseignement chinois et vietnamiens sont profondément installés dans le pays, et de nombreux Cambodgiens travaillent pour eux.
Ce sont les Chinois qui disposent du meilleur système d’information de terrain au Cambodge, car ils bénéficient de la présence d’une importante diaspora sino-khmère dans le pays et parce que ce sont des vrais professionnels du renseignement. Depuis l’époque de Sihanouk, les services de Pékin ont toujours été la principale source de renseignement des autorités khmères sur la situation dans le pays (coup d’Etat, émeutes, etc.). Les Chinois sont également les mieux informés sur les questions économiques, commerciales et financières du pays.
Les Vietnamiens ont également des réseaux actifs au Cambodge, mais ceux-ci sont moins puissants que ceux de Pékin. La population khmère étant plus naturellement hostile à leur égard, en raison de l’invasion de 1979 et de la colonisation des terres par des colons vietnamiens. Toutefois, Hanoï continue à contrôler certains secteurs de l’administration, de l’armée ou de la police, grâce à des agents qu’il a formés à partir du début des années 1980.
Ce qui s’observe avec le renseignement est également vrai pour la police criminelle. Au Cambodge, la police ne retrouve que très rarement les auteurs de crime, parce qu’elle n’est au courant de rien de ce qui se passe dans le pays. Une partie des assassinats est commise par des étrangers venus passer quelques jours au Cambodge, qui exécutent leur « contrat » et repartent. Le gouvernement souhaite tellement attirer les touristes pour développer son économie, qu’il fait preuve d’un profond laxisme quant au contrôle des étrangers, aux frontières comme à l’intérieur. Cela explique l’importance des activités criminelles (drogue, prostitution, trafics d’armes et d’œuvres d’art, etc.) dirigées par des étrangers, qui agissent en toute impunité.
La lutte contre le terrorisme, nouvelle priorité de la sécurité intérieure
Le Cambodge ne vivant plus sous la menace d’une agression extérieure, l’ensemble des forces de sécurité oeuvre essentiellement à la sécurité intérieure du royaume : protection du régime, sécurité publique, surveillance des frontières et lutte contre la criminalité organisée transnationale, laquelle est une menace réelle pour la sécurité du pays (trafic d’êtres humains, prostitution, drogue, armes, blanchiment, destruction du patrimoine national et vol d‘oeuvres d’art, etc.). Toutefois, c’est la lutte contre le terrorisme qui est aujourd’hui la priorité de la sécurité intérieure.
Une nouvelle politique antiterroriste
Bien que les risques terroristes au Cambodge soient faibles, le gouvernement a officiellement formulé une politique antiterroriste en cinq points afin de participer à la lutte mondiale contre Al-Qaeda et ses affidés.
– Bonne volonté (Sochhanthiek). Phnom Penh affiche sa volonté de lutter contre le terrorisme responsable des attentats du 11 septembre 2001, chez lui comme en offrant sa coopération aux autres pays.
– Capacités (Samattapheap). Les forces armées royales cambodgiennes (FARC) ont renforcé les unités spéciales chargées de conduire des opérations antiterroristes : Gendarmerie royale, 911e brigade aéroportée spéciale, 70e brigade commando et unité des plongeurs de combat de la Marine.
– Coordination (Samrorbsomroul). La nécessité d’une coordination au niveau national, entre les services et les ministères, a conduit à la création, en 2006, du National Counter-Terrorism Committee (NCCT) et de son Secrétariat.
– Coopération (Sahakprortebatkar). Développement de la coopération bilatérale et multilatérale, car aucune nation ne peut lutter seule contre le terrorisme.
– Légalité (Soniteh). Le gouvernement khmer a promulgué une nouvelle loi antiterroriste – avec le soutien de l’Australie – qui définit le cadre juridique de ses actions à l’intérieur du pays et pour la coopération internationale.
Ce dernier aspect était particulièrement attendu par les créanciers de Phnom Penh et la communauté internationale. En effet, il est rare de trouver des pays qui, comme le Cambodge, disposent d’un système judiciaire aussi complexe. Celui-ci est le résultat de l’histoire qui a conduit à l’accumulation de textes de natures différentes sous les divers régimes politiques qui se sont succédés depuis l’indépendance : lois de droit français ; décrets royaux ; actes de législature fondés sur la coutume ; textes de loi issus de la théorie communiste ; et textes juridiques d’influence anglo-américaine liés à la présence de l’ONU.
Avec l’aide des plusieurs pays étrangers[8], le Cambodge a modernisé et adapté ses textes juridiques afin de lutter contre le crime organisé et le terrorisme, dans le respect des processus démocratiques.
– un nouveau code de procédure pénale a été adopté le 7 juin 2007 et promulgué par le roi le 10 août 2007 ;
– la loi antiterroriste a été promulguée le 20 juin 2007 ;
– la loi pour lutter contre le blanchiment de l’argent illégal et combattre le financement du terrorisme a été promulguée par le roi le 24 juin 2007 ;
– le 27 février 2008, par le décret royal 0208/172, le gouvernement a fixé l’organisation et les missions du National Committee for Counter Terrorism (NCCT) ;
– le 29 janvier 2008 a été promulgué le décret 09 qui spécifie la structure et les missions des départements rattachés au secrétariat du NCCT ;
– le 29 janvier 2008, le gouvernement a créé les offices placés sous l’autorité des départements rattachés au secrétariat du NCCT.
Parallèlement, les autorités cambodgiennes ont décidé de prendre une série de mesures concrètes afin de renforcer la sécurité du pays :
– interdiction de l’accès au territoire aux organisations terroristes, afin qu’elles ne commettent pas d’attaque dans la pays et ne se servent pas du Cambodge comme base d’action,
– interdiction de tout transfert de technologies ou de fonds par internet,
– surveillance étroite des mouvements extrémistes dans le pays,
– renforcement du contrôle sur les armes et les explosifs (notamment les substances chimiques),
– accroissement des mesures de sécurité autour des cibles potentielles d’attentats (aéroports, destinations touristiques, hôtels et supermarchés, ambassades et établissements scolaires étrangers, etc.),
– contrôle strict de tous les points de passage frontaliers (terrestres, maritimes et fluviaux),
– renforcement de la coopération internationale afin de bénéficier de plus de renseignements, de formation et d’équipements pour les forces de sécurité.
Un affichage qui ne correspond pas à la situation réelle
Le gouvernement du Cambodge affirme une volonté claire de lutter contre le terrorisme international. Toutefois, il s’agit d’un affichage fondé sur des moyens trop faibles pour être crédible. Par cette démarche, son but est en réalité d’obtenir des fonds, de l’assistance technique et une reconnaissance internationale. Dans la réalité, de nombreux réseaux terroristes islamistes venant d’Indonésie ou de Malaysia (Jamaah Islamiyah), ainsi que des réseaux criminels asiatiques et européens, opèrent en toute impunité dans le pays.
Par ailleurs, si la constitution du Cambodge prohibe théoriquement toute arrestation et détention arbitraires, le gouvernement continue toutefois à user et abuser de son autorité au mépris de la loi. Par exemple, la distinction entre les juridictions civile et militaire n’est pas respectée De nombreuses personnes arrêtées pour des crimes qui n’ont rien à voir avec les armées sont détenues et jugées par des tribunaux militaires.
Héritage de la période communiste, les ministères de l’Intérieur et de la Défense jouissent toujours d’un statut particulier au sein du gouvernement et disposent d’une autonomie et d’un pouvoir de décision largement supérieur à ceux des autres ministères
Les moyens du ministère de l’Intérieur
Le ministre de l’Intérieur est Sâr Khéng. Il est assisté pas plusieurs secrétaires d’Etat. L’un d’entre eux, Teng Savong, est en charge du Département de la sécurité, de la police judiciaire, des forces d’intervention et de la lutte contre le trafic de drogue.
Le ministère de l’Intérieur a autorité sur la police nationale, sur le Service de sécurité intérieur et sur le nouveau Service de renseignement extérieur. Ces administrations sont officiellement sous le contrôle des autorités civiles, mais en pratique, elles ne rendent compte qu’aux dirigeants du PPC.
Le ministère compte une quinzaine de bureaux en charge des questions de contre subversion, de renseignement politique, des interrogatoires, de la sécurité intérieure, des enquêtes, de l’analyse criminelle, de la gestion des ressources humaines, de la police scientifique, de la logistique, des statistiques, de l’administration, de la protection des autorités, ambassades et bâtiments publics, des pompiers, de la police de la route et des élections.
Police nationale
La police nationale (Nokorbal) est une agence du ministère de l’Intérieur, en charge de la sécurité intérieure. Elle dispose de troupes de police en civil et en uniforme. Elle est placée sous l’autorité du commissaire général de la police nationale. L’actuel titulaire de la fonction est le lieutenant-général Neth Savoeun, ancien directeur de la police de Phonm Penh et neveu par alliance de Hun Sen. Nommé le 21 novembre 2008, il a succédé au général Hok Lundy[9]. Le directeur général adjoint de la police nationale est le général Sok Phal.
Depuis mai 2008, le nouveau siège de la police nationale – un immeuble, dont la construction a coûté un million de dollars – est situé sur le boulevard Norodom, à proximité du rond-point de Kbal Thnol. Elle disposait jusqu’à présent de locaux dans l’enceinte du ministère de l’Intérieur, mais était confrontée à un manque de place pour héberger la totalité de ses services, dont les principaux sont :
– Direction centrale de la police judiciaire[10]
– Direction centrale de sécurité
– Direction centrale de l’ordre public
– Direction de la police des frontières
– Sous-direction anti-drogue
– Sous-direction de la police de tourisme
– Commissaire spécial de protection du patrimoine.
– Bureau de la lutte contre le trafic d’êtres humains et de la protection des mineurs
– Bureau de la police économique
– Bureau technique scientifique criminel
– Bureau anti-terroriste[11]
– Bureau de l’administration des armes.
A Phnom Penh, la police dispose d’un statut particulier, calqué sur le modèle de la préfecture de police de Paris. Son organisation reproduit celle du ministère de l’Intérieur dans la capitale. D’ailleurs, jusqu’au début des années 1990, le chef de la police de Phnom Penh était vice-ministre de l’Intérieur.
En province, le chef de la police rend compte directement au ministre de l’Intérieur. Parallèlement, la police obéit au représentant local du PPC, qui n’est pas toujours le gouverneur, car certaines régions sont dirigées par des membres du FUNCINPEC.
Les services chargés du renseignement intérieur
Le service de sécurité intérieure est directement rattaché au ministère de l’Intérieur. Il apparaît tour à tour sous le nom de « Service de sécurité populaire », de « Département central de sécurité » ou de « Département d’information générale du ministère de l’Intérieur ». La variété des appellations provient notamment des changements de dénomination successifs et de l’approximation des traductions du khmer.
Ses missions sont la contre ingérence, la protection des institutions contre la subversion, la surveillance de l’opinion et de l’opposition au Cambodge et hors du pays. Ce service dispose d’un réseau d’agents présents au sein de tout l’appareil d’Etat et de ses propres forces d’intervention. Ses hommes seraient surnommés les Angkareaks[12]. Il est dirigé par le général Chhay Sinarith, le colonel Nhem Phala est cité comme directeur-adjoint.
Par ailleurs, depuis novembre 2007, le Cambodge dispose d’un service de renseignement extérieur – sous tutelle du ministère de l’Intérieur – avec des agents en poste dans chacune des ambassades et chancelleries à l’étranger. Dénommé « Département du renseignement[13] », il est dirigé par le général Khem Sambo, ancien directeur de la Sécurité intérieure. Ses agents auront pour mission de collecter des informations relatives à la sécurité nationale, à l’économie et aux politiques étrangères des pays ciblés. Ce service proposera également des mesures de sécurité au ministère de l’Intérieur et coopérera avec les agences étrangères dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Les ressources du ministère de la Défense
Le ministre de la Défense est Tea Banh. L’état-major des armées (EMA) est dirigé, depuis janvier 2009, par le général Pol Saroeun[14]. Il est l’ancien adjoint du CEMA précédent, le général Ke Kim Yan, en fonction depuis 1999. Ce dernier a été écarté car il semble avoir contraint les forces armées à la neutralité à l’occasion de luttes de factions au sein du PPC, de telle sorte qu’elles n’ont joué aucun rôle en faveur de Hun Sen dans la politique intérieure du pays ces dernières années.
Les forces chargées de la sécurité intérieure
Les forces armées royales cambodgiennes (FARC) disposent de prérogatives en matière de sécurité intérieure. Ces missions relèvent de la gendarmerie royale et de la police militaire[15]. La gendarmerie[16] assure la surveillance du territoire cambodgien. Pour les infractions commises par les militaires ou dans les enceintes militaires, la police militaire est seule habilitée à intervenir. Jusqu’à une date récente, les FARC restaient très vigilantes sur les risques d’infiltration des Khmers rouges dans leurs rangs. Ces deux forces participent activement à la lutte antiterroriste, mais souffrent d’un manque criant de spécialistes et de moyens.
Les organismes chargés du renseignement
Dans l’organigramme 2008 du ministère de la Défense du Cambodge, les responsables des activités de renseignement sont, pour l’état-major des armées (EMA) :
– le lieutenant-général Mol Roeub : directeur du Département du renseignement ;
– le major-général Khem Sorn : directeur du Service d’information et de propagande.
Le Département du renseignement (ou Deuxième bureau) des FARC est rattaché au vice-chef d’état-major. Les opérations des forces armées ayant longtemps été principalement orientées contre les Khmers rouges, il semble que ce département ait agi aussi comme un service de renseignement intérieur.
Au sein de l’état-major de l’armée de terre (EMAT), les responsables sont :
– le lieutenant-général Dom Hak : chef du Bureau renseignement ;
– le major-général Chap Vanny : chef du bureau d’action psychologique.
Les forces spéciales
L’armée cambodgienne dispose de trois unités spéciales, disponibles pour les opérations antiterroristes, directement rattachées à l’EMA :
– la 911e brigade aéroportée spéciale (auparavant appelée 911e régiment des forces spéciales), commandée par le major-général Chap Pheakdey ;
– la 70e brigade commando (aussi appelée Unité 70), sous les ordres du major-général Mao Sophann ;
– l’Unité des plongeurs de combat de la marine royale cambodgienne.
Ces forces spéciales sont réunies au sein de la Direction d’intervention, placée sous les ordres du lieutenant-général Heng Borin. Leurs capacités restent toutefois limitées et elles souffrent de lacunes en matière d’entrainement et de matériels.
L’armée de terre dispose par ailleurs de deux brigades d’infanterie légère susceptibles de renforcer les forces spéciales : 11e brigade d’intervention (brigadier-général Yoeung Sokhon ) et 14e brigade d’intervention (brigadier-général Kim Seng Ngon).
Les moyens d’action des Douanes (ministère de l’Economie et des finances)
La Direction royale des douanes cambodgiennes (DRDC) a été créée en juin 1951 et placée sous l’autorité du ministère du Commerce. Elle a cessé son activité sous le régime khmer rouge, entre avril 1975 et août 1979. La DRDC a été rattachée au ministère de l’Economie et des Finances en mars 1988.
Ses principales missions sont :
– faciliter le commerce international et protéger le commerce et l’économie nationale,
– prélever les taxes liées aux importations et exportations,
– établir les statistiques du commerce international du Cambodge,
– prévenir, enquêter, surveiller et démanteler les trafics (drogue, contrebande, contrefaçon, etc.). C’est à travers cette dernière mission qu’elle contribue au renseignement et à la lutte contre le terrorisme et la criminalité.
La DRDC n’a connu que trois directeurs depuis 1979 :
– 1979- 1997 : Sar Ho,
– 1997-1998 : In Saroeung (ancien vice-ministre des Finances)
– depuis 1998 : Pen Siman.
Les dérives de l’appareil de sécurité
Au cours de la dernière décennie, après les espoirs suscités par les réformes conduites avec l’appui de l’ONU et des Etats étrangers, la confiance des Cambodgiens dans les forces de sécurité n’a cessé de diminuer.
Les causes en sont l’implication fréquente des policiers ou militaires dans les affaires, en raison des difficultés que rencontre l’Etat à payer décemment les membres ses forces de sécurité. Ainsi la police est souvent elle-même à l’origine de problèmes de sécurité, car nombre de ses dirigeants gèrent eux-mêmes l’industrie du sexe dans le pays.
Selon les révélations de l’ancien chef de la police de Phnom Penh, Heng Peov[17], publié par l’hebdomadaire français L’Express en août 2006, le chef de la police Hok Lundy, nommé en novembre 1994 par Hun Sen, aurait été impliqué dans les trafics d’êtres humains et de drogue, ou encore dans les meurtres de certaines personnalités, politiques ou médiatiques. Heng Peov n’a pas hésité également à mettre en cause son supérieur pour l’attentat à la grenade de mars 1997 contre une manifestation menée par Sam Rainsy – le principal opposant de Hun Sen – qui avait fait une dizaine de morts. Il présentait Hok Lundy comme l’exécutant des « agissements illégaux » de Hun Sen, précisant que leur connivence remontait à leur rencontre au Vietnam en 1979[18].
La police militaire n’est pas épargnée non plus par de telles dérives. En août 1995, onze membres de cette force avaient enlevé Lim Kimhok, un homme d’affaires malaysien directeur du casino flottant de Phnom Pen. Deux hommes d’affaires malaysiens et deux membres de familles aisées de Phnom Penh ont été victimes de kidnappings organisés par des policiers militaires.
En l’absence d’un système fiable, les élites politiques et économiques khmères ont développé leur propre système alternatif de protection, fondé en partie sur des firmes de sécurité privées armées, dont certaines sont de véritables polices parallèles, dirigées par des anciens des forces de sécurité. Par exemple, MPA Security Services est détenue par le ministère de l’Intérieur et statutairement 50% de ses personnels doivent venir de ce ministère.
Cela conduit par ailleurs régulièrement la population à pratiquer des formes de justice sommaire, telle que le lynchage de criminels.
*
ANNEXES
1 – PRINCIPALES SOURCES
2 – PRINCIPAUX DIRIGEANTS DES FORCES DE SECURITE CAMBODGIENNES
3 – ORGANIGRAMME MINISTERE DE LA DEFENSE CAMBODGIEN
4 – ORGANIGRAMME DE L’ETAT-MAJOR DES ARMEES CAMBODGIENNES.
PRINCIPALES SOURCES
Sources consultées
– Cambodge soir : http://www.cambodgesoir.info/
– http://www.lexpress.fr/informations/les-basses-oeuvres-de-hun-sen_674887.html
– Site du ministère cambodgien de l’Intérieur : http://www.interior.gov.kh/
– Site du ministère cambodgien de la Défense : http://www.mond.gov.kh
– Far Eastern Economic Review : http://www.feer.com/
– Bangkok Post : http://www.bangkokpost.com/
– The Nation : http://www.nationmultimedia.com/
– Amnesty international : http://www.amnesty.fr
– Global Witness : http://www.globalwitness.org/
– Human Rights Watch : http://www.hrw.org/
– MPA security : http://www.mpa-security.com/
– Jane’s : http://www.janes.com/
– http://www.iiss.org/publications/military-balance/
– http://www.informaworld.com/smpp/content~content=a747353533~tab=send
– http://www-rohan.sdsu.edu/faculty/rwinslow/asia_pacific/cambodia.html
– CIA World Factbook : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook
– Dylan Hendrickson, Cambodia’s security-sector reforms: limits of a downsizing strategy.
Sources non consultées
L’auteur n’a pu avoir accès aux ressources suivantes :
– Bases de données sur les personnalités politiquement exposées (Factiva, World Check, etc.)
– Asia Pacific Defence Reporter : http://www.asiapacificdefencereporter.com
– The Phnom Penh Post : www.phnompenhpost.com
– Sources en khmer sur la police nationale cambodgienne (consultables sur le site du ministère cambodgien de l’Intérieur : http://www.interior.gov.kh/)
The Royal Decree on Date of establishing National Police of Cambodia
Structure Chart
The wish message of H.E. Sar Kheng on the 62th Anniversary of established of National Police Cambodia
The wish message of H.E Hok Lundy on the 62th Anniversary of established of National Police Cambodia
History of Cambodian Police (Part I)
History of Cambodian Police (Part II)
History of Cambodian Police (Part III).
PRINCIPAUX DIRIGEANTS
DES FORCES DE SECURITE CAMBODGIENNES
ORGANIGRAMME
DU MINISTERE DE LA DEFENSE CAMBODGIEN
ORGANIGRAMME
DE L’ETAT-MAJOR DES ARMEES CAMBODGIENNES
[1] Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC), 1991-1993.
[2] Anciennement dénommé Parti populaire de la république du Kampuchea (PPRK).
[3] De 1979 à 1991, trois mouvements de guérilla sont entrés en lutte contre le régime de Phom Penh : le Parti du Kampuchea démocratique (PKD, Khmers rouges), le Front national de libération du peuple khmer (FNLPK, républicains) et l’Armée nationale sihanoukiste (ANS, royalistes). Chacun de ces mouvements disposait de sa propre organisation de renseignement.
[4] Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif.
[5] L’ONU avait, devant la difficulté de répartir les postes entre les groupes politiques khmers, nommé deux titulaires pour chaque fonction gouvernementale.
[6] A l’occasion de ce coup de force, le général sihanoukiste Chao Sambath, directeur du renseignement au ministère delà Défense depuis 1993, a été enlevé et exécuté par des hommes à la solde de Hun Sen.
[7] L’actuel président de l’Assemblée nationale.
[8] Notamment l’Australie, les Etats-Unis et la France.
[9] Décédé le 9 novembre dans un accident d’hélicoptère, au cours duquel a également péri commandant adjoint de l’armée de terre, Sok Sa Em.
[10] Dirigée par Mok Chito.
[11] Il s’agit de la division anti-terroriste de la police nationale. Elle est dirigée depuis 2007 par le brigadier-général Kung Sam Eune. Elle était auparavant sous les ordres de Bit Kim Hong.
[12] Ce qui signifie littéralement « les aides de camp ».
[13] Les traductions de la presse anglo-saxonne parlent de Cambodian Intelligence Agency ou d’Intelligence Department.
[14] C’est un proche de Hun Sen depuis 1978, lorsque les deux hommes étaient khmers rouges.
[15] La seconde étant une subdivsion d’arme de la première.
[16] Elle serait dirigée par le général Sao Sokkha.
[17] En 2004, Heng Peov était également secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur et conseiller du Premier ministre. Après avoir fui le Cambodge, il a été arrêté, en décembre 2006, en Malaysia et extradé vers Phnom Penh. Il croupit actuellement en prison pour une multitude de crimes et délits – probablement fabriqués par Phnom Penh – pour lesquels la justice cambodgienne l’a condamné.
[18] Les deux hommes ont par ailleurs consolidé leurs liens par le mariage de leurs enfants.