Somalie: Les islamistes se mettent à la piraterie maritime
Alain RODIER
Le mouvement islamique somalien al Shabab a décidé de participer directement aux actes de piraterie maritime qui ont lieu régulièrement au large des côtes somaliennes. Jusqu’à présent, il se contentait de prélever une « taxe » auprès des criminels qui se livraient à ce type d’activité tout en condamnant le côté « non conforme à l’islam » de la piraterie. Cependant, leurs besoins pécuniaires se font de plus en plus pressants d’autant qu’ils tiennent à peu près l’ensemble du sud et du centre-est du pays et qu’il faut bien financer, autant que faire ce peut, la vie de ces régions.
Ordre aurait donc été donné de lancer des opérations maritimes à partir des ports de Kismayo et de Barawe. Toutefois, à la différence des pirates, ils ne devraient pas s’en prendre aux navires battant pavillon d’un pays musulman car cela est contraire à leur « morale » (ce qui ne les empêche pas de s’en prendre sur terre à d’autres musulmans, mais ceux là sont considérés comme des « apostats », c’est-à-dire des traîtres).
Il est à noter que le Heizb al Islam, le mouvement concurrent d’Al Shabab, s’est emparé le 2 mai 2010 de l’année du port d’Harardhere, un haut lieu de la piraterie somalienne. Il a interdit la pratique de cette activité jugée criminelle.
Il y a eu, depuis le mois de janvier de cette année, plus de 120 actes de piraterie attribués à des bandits somaliens qui leur ont rapporté environ deux millions de dollars soit le double de l’année dernière. Cependant, il semble que ces pirates sont de moins en moins « professionnels », n’étant majoritairement pas marins à l’origine alors que leurs aînés[1] avaient exercé la profession de pêcheur. De plus, les quelques responsables de l’ancienne génération encore en place craignent que, non seulement que la concurrence des miliciens d’al Shabab ne leur fasse du tord sur le plan financier, mais qu’elle n’augmente également considérablement les risques encourus. En effet, al Shabab était reconnu internationalement comme un mouvement terroriste, ils ont peur que les navires de guerre patrouillant dans la zone ne fassent plus facilement usage de la force.
Les milices al Shabab ont considérablement intensifié leurs actions offensives durant le ramadan. Elles ont été actives aussi bien dans la capitale Mogadiscio qu’en Ouganda qui n’est pourtant pas un pays immédiatement voisin de la Somalie.
Inspirées idéologiquement par Ahmed Cabdi Godane alias Moktar Ali Zubayr, elles sont dirigées opérationnellement par le Comoro-kenyan Fazul Abdullah Mohammed qui a été désigné comme le responsable d’Al-Qaida pour La Corne de l’Afrique par Oussama Ben Laden en personne à la fin de l’année 2009.
Le conseiller financier du mouvement serait le Saoudien Mohammad Abou Faid.
Le responsable de la sécurité et de la formation serait le Pakistanais Abou Moussa Mombasa. C’est lui qui aurait pris la succession de Saleh Ali Nabhan, le compagnon d’arme de Fazul Abdullah Mohammed, tué en septembre 2009 lors d’un raid américain.
Enfin, le Soudanais Mahmoud Mujajir serait chargé du recrutement et de l’entraînement des kamikazes qui sont de plus en plus employés.
Une dizaine de citoyens américains d’origine somalienne serviraient également comme activistes de base. Ils sont dirigés par Abou Mansour Al-Amriki de son vrai nom Omar Hammami. Si le nombre des combattant étrangers est estimé à 1 200, ce sont des Somaliens qui commanderaient des différentes régions tenues par le mouvement.
Il n’en reste pas moins que parmi tous ces activistes, il semble qu’il n’y ait pas beaucoup de marins capables de mener des raids loin des côtes somaliennes. Du désir à la réalité, il y a une marge qui semble ne pas avoir encore été franchie. Toutefois, il est possible que des opérations maritimes kamikazes soient lancées contre des bâtiments étrangers car la direction d’Al-Qaida implantée au Pakistan a déjà donné cette consigne à ses activistes implantés au Yémen.
- [1] Dont la plupart coule désormais des jours heureux en profitant des subsides tirés des rançons déjà versées.