Remaniement du « gouvernment » rebelle tchetchene
Alain RODIER
Début février 2006, le « président » du gouvernement rebelle tchétchène a réorganisé son équipe « ministérielle ». Ce remaniement va dans le sens d'une radicalisation du mouvement. En effet, Abdul-Khalim Sadoulayev qui a succédé à Aslan Maskhadov en mars 2005, après que celui-ci ait trouvé la mort, a démis plusieurs « ministres » résidant à l'étranger.
Au premier rang de ceux-ci, on trouve Akhmed Zakayev qui était vice-Premier ministre. Vivant à Londres, c'est un ancien proche de feu le président Maskhadov. Il lui est reproché d'avoir soutenu ce dernier dans sa volonté de négocier avec Moscou. Cependant, étant donné son passé historique glorieux, il garde le poste de « ministre de la Culture ».
Movladi Ougoudov qui vit en Turquie, se voit retirer le poste de « ministre de l'Information », bien qu'il ait été nommé par Sadoulayev, en août 2005. En compensation, il est désormais chef du « service national d'information ». Curieusement, Ougoudov est connu pour ses prises de positions fortement anti-occidentales qui l'ont notamment opposé à Zakayev. Les deux hommes se retrouvent ainsi sur la touche.
Enfin, Oumar Khanbiyev résidant en France, doit quitter ses fonctions de « ministre de la Santé ».
D'autres remaniements sont attendus mais Chamil Bassaïev, actuellement vice-Premier ministre ne semble pas visé. Bien au contraire, il est possible que ce chef de guerre particulièrement radical, soit à la base de ces gesticulations. Certains experts avancent l'hypothèse fort crédible, que Bassaïev est le véritable « président », Sadoulayev n'étant qu'un homme de paille.
Ce remaniement a été organisé pour que l'on ne parle plus de « gouvernement tchétchène en exil ». Le « président » Sadoulayev a ordonné à tous ses ministres de résider en Tchétchénie, à l'exception de Zakayev, le« ministre de la Culture, et de Ilyas Akhmadov, le « ministre des affaires étrangères », qui bénéficie du statut de réfugié politique aux Etats-Unis. Cette information est intéressante car la rumeur avait couru en 2005 qu'Akhmadov avait été limogé. Cette remise en selle n'est peut-être pas étrangère au fait que Washington soutient discrètement, au moins sur le plan financier, les rebelles tchétchènes. Les Etats-Unis ont ainsi une monnaie d'échange importante dans les divergences en matière de politique étrangère qui les opposent à Moscou (dossier iranien, situation au Caucase et en Asie centrale, etc.).
Depuis novembre 2005, le nouveau président rebelle refuse toute négociation avec Moscou. Sa politique tend à étendre le conflit à l'ensemble du Caucase du Nord. Pour ce faire, il reçoit de plus en plus d'aide de la part d'Al-Qaida. Des combattants du mouvement convergent vers la région, afin d'amener des troupes fraîches et récemment formées en Irak et en Afghanistan.
Mardi 7 février, une explosion faisait plus de 12 morts dans une caserne de deux étages de Kourtchaoï (localité située à l'est de la Tchétchénie) qui abrite le bataillon Vostok dépendant du GRU (services secrets de l'armée russe). Ces militaires, tous d'origine tchétchènes, jouent un rôle opérationnel de première importance dans la région. Bien que les autorités russes prétendent qu'il s'agisse d'une explosion due au gaz, la déflagration ayant eu lieu dans les cuisines (tuant en particulier une cuisinière tchétchène), il est plus probable qu'il s'agisse d'un attentat qui démontre la détermination des rebelles à intensifier leurs opérations suivant les directives de leur commandement (Sadoulayev ou Bassaïev ?). D'autres actions spectaculaires du même type devraient suivre dans un avenir proche.