Ramadan 2006 en Algérie :bilan des victimes relativement faible
Alain RODIER
Lors du ramadan 2006 (24 septembre – 23 octobre), en Algérie, de nombreuses escarmouches ont eu lieu ici et là, faisant, selon les autorités, au moins 32 victimes dont 21 membres des forces de l'ordre. Cette période est toujours mise à profit par les fondamentalistes du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), mouvement affilié officiellement à Al-Qaida, pour accentuer leurs actions terroristes. Cependant, cette année marque encore une nette régression des exactions dues aux activistes intégristes1.
Néanmoins, quelques faits ont frappé l'opinion. Ainsi, le 22 octobre, quatre gendarmes tombent dans une embuscade près de Beni Belaïd dans la région de Jijel. L'un d'entre eux réussit à s'échapper. Son témoignage permet de savoir que les attaquants, qui étaient au nombre d'une quinzaine, ont récupéré les armes des militaires tués.
Le 19 octobre, une bombe artisanale explose vers 20 h 30 à proximité d'une des sorties de l'école militaire de Baulieu dans la ville d'El Harrach (banlieue est d'Alger). A cette heure d'affluence, on relève huit blessés dont six militaires, des appelés qui assuraient la garde de cette issue. L'explosif était conditionné dans une bouteille et aurait été activé à distance à l'aide d'un téléphone portable. Les auteurs de cette action terroriste visaient les militaires qui, comme tous les soirs en cette période de ramadan, rejoignaient la mosquée voisine.
Déjà, dans les mois précédents, plusieurs bombes avaient été découvertes et désamorcées dans la capitale algérienne. Le 15 octobre, huit gardes communaux étaient assassinés par une douzaine d'hommes dans leur cantonnement de Sidi Medjahed dans la province d'Ain Defla à 250 kilomètres à l'ouest d'Alger. C'est dans cette même région que huit militaires seront tués, le 2 novembre, lors d'une embuscade tendue par une quinzaine d'hommes à proximité du village de Tachebank, au lieu dit de Drâa Legtaâ. Il s'agit vraisemblablement des mêmes assaillants qui ont installé leur refuge dans les forêts avoisinantes. Le 13 octobre, c'est Rabah Aïssat, le président de l'assemblée départementale de Tizi Ouzou qui tombe sous les balles des terroristes. D'autres gardes communaux (qui semblaient particulièrement visés cette année) ont été assassinés lors de cette même période. Il est vrai que, mal armés, ne bénéficiant pas de l'entraînement nécessaire, ils constituent le maillon faible des forces de sécurité que le GSPC cible en priorité.
La « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » mise en vigueur le 28 février – qui prévoyait l'amnistie pour les islamistes armés se rendant aux autorités avant le 31 août – a permis l'élargissement de plus de 2 200 personnes emprisonnées pour terrorisme. A court terme, cette mesure a participé à une relative accalmie de la situation sécuritaire. Cependant, des réseaux dormants du GSPC (qui a officiellement rejeté la proposition du président Abdelaziz Bouteflika) se seraient renforcés ces derniers temps avec l'arrivée de certains des ex-prisonniers qui ont replongé dans la lutte. D'autres volontaires, surtout issus de la jeunesse défavorisée qui n'arrive pas à trouver du travail, les ont également rejoint. C'est vraisemblablement le cas du fils cadet d'Ali Benhadj âgé de 18 ans, l'ancien numéro deux du défunt Front Islamique du Salut (FIS). Ces renforts ajoutés à ceux parvenant de l'étranger (des Maliens, des Nigériens, des Mauritaniens, des Marocains et des Tunisiens) représentent à moyen terme une nouvelle menace pour le pouvoir, car ces recrues doivent être formées avant de devenir opérationnelles.
Par aileurs, une rumeur circule sur la « réapparition » d'Hassan Hattab2 qui pourtant était donné pour mort, tué par les siens à l'été 2003. En fait, le père fondateur du GSPC, convaincu à l'époque de l'échec inéluctable de la lutte entreprise contre le pouvoir, aurait volontairement quitté la direction du mouvement en juillet 2003 et se serait réfugié avec quelques fidèles dans la forêt de Sidi Ali Boubab, dans la région de Bourmedès, où il se serait fait très discret. Dans un deuxième temps, il aurait approché les autorités afin de négocier sa reddition. Condamné pour « trahison » par Abdel Kader Droukdel – alias Abou Moussab Abdelouadoud – le chef actuel du GSPC, ce dernier a cependant annoncé qu'Hassan Hattab aurait rejoint le GSPC avec 300 militants. Trois options sont possibles : soit Droukdel ment à des fins de propagande, soit Hattab s'est vu signifier une fin de non recevoir à son offre de reddition (ce qui, dans les circonstances actuelles, paraît peu probable), soit tout cela n'est que pure invention, Hattab étant bien mort.
Le GSPC, selon les autorités, ne compterait plus que 800 combattants. Il toujours présent à l'est d'Alger, particulièrement dans les provinces montagneuses de Bejaia, Bouira et Boumerdès. Il est également bien implanté dans les environs de Tizi Ouzou, Sétif, Jijel, Skikda, Anaba et plus au sud dans les zones de Biskra, Batna et Oum El-Bouaghi. Une partie des militants serait située à l'ouest d'Alger dans les régions d'Aïn Defla et de Relizane. La région sahélienne est, pour sa part, restée calme durant le mois de ramadan. Des rebelles touaregs maliens ont même annoncé le 8 octobre avoir tué un responsable du GSPC qui se faisait appeler Abdel Hamid. En représailles, le 23 octobre, le GSPC a attaqué un groupe de touaregs tuant neuf d'entre eux. Ces évènements pourraient annoncer un retournement de la situation, au moins au Mali. En effet, les mouvements touaregs actuellement en délicatesse avec Bamako avaient jusqu'alors toléré, voire aidé les combattants du GSPC dirigés au Sahel par Mokhar Belmokhtar. Abdel Hamid est présenté comme étant son « second ».
Abdelhamid Saadaoui – alias Abou El-Haytam Yahia – qui est l'émir de la 2 e région (Alger-Est) aurait décidé de réactiver des cellules terroristes dans la capitale, ce que semble confirmer le dernier attentat du 19 octobre. Cette possibilité est inquiétante car des actions terroristes semblent reprendre dans la capitale algérienne et ses environs. Ainsi, le 31 octobre, deux convois militaires ont été la cible de bombes déclenchées à distance dans la région de Boumerdès. Heureusement, seul un militaire a été légèrement blessé. Dans la nuit du 29 au 30 octobre, les commissariats de police de Reghaïa et de Dergana, deux localités situées à une trentaine de kilomètres à l'est d'Alger, étaient la cible de camions piégés de marque Saviem mis à feu à distance. Trois morts et 24 blessés étaient relevés.
Le GSPC parait néanmoins être aujourd'hui sérieusement en perte de vitesse en Algérie. Cela n'exclut en aucune manière qu'il puisse lancer des opérations terroristes en France, comme le lui a demandé Ayman Al-Zawahiri, le numéro deux d'Al-Qaida. Il peut également viser l'Italie où il est bien implanté, et l'Espagne. En effet, dans ce dernier pays, c'est le Groupe Islamique des Combattants Marocains (GICM), déjà responsable des attentats sanglants de Madrid en 2004, qui peut agir en son nom. En effet, les deux organisations sont étroitement liées et font partie de la nébuleuse créée par Oussama Ben Laden.