Mystère autour de l’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko
Alain RODIER
Le 19 novembre, les media français, suivant leurs confrères britanniques, accordaient un large écho à l'empoisonnement de « l'ancien espion russe » le colonel Alexandre Litvinenko. Naturellement, presque tous les commentateurs pointaient du doigt le FSB, « héritier du KGB ». Il semble que les choses sont beaucoup plus complexes et que les erreurs journalistiques soient nombreuses.
En effet, sans nier en rien l'empoisonnement du malheureux qui en est décédé le 23 novembre, il est cependant utile d'approfondir cette affaire dont l'objectif semble de déstabiliser le pouvoir en place à Moscou, en discréditant son service de sécurité intérieure : le FSB . Les médias français, qui font dans « l'anti-Poutine » comme ils font de « l'anti-Bush », s'engouffrent avec délectation dans cette opération de désinformation dont les auteurs restent pour l'instant inconnus.
Qui était Alexandre Litvinenko ?
Né vraisemblablement en 1962, Alexandre Litvinenko entre au KGB en 1988 où il s'occupe de contre-espionnage. Ala suite de la dissolution de cette organisation, il est affecté en 1991 au FSK (Federal'naya Sloujba Kontrrazvedki, Service fédéral de contre-renseignement) qui devient le 3 avril 1995 le FSB (Federal'naya Sloujba Bezopasnosti, Service fédéral de sécurité). Ce service spécial placé sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, est chargé de parer aux menaces à l'intérieur de la Fédération de Russie. Ses missions relèvent donc essentiellement du contre-espionnage, de l'anti-terrorisme et de la lutte contre la criminalité organisée.
Pour mémoire, les opérations organisées à l'extérieur de la Fédération de Russie sont du ressort
- du SVR (Sloujba Vnechneï Razvedki, Service de renseignement extérieur de la Fédération de Russie),
- du GRU (Glavnoe Razvedivatel'noe Upravlenie, Direction principale du renseignement), l'homologue militaire du SVR,
- de la FAPSI ( Federal'noe Agentstvo Pravitel'stvennoï Svyazi i Informatsii, Agence fédérale pour les communications gouvernementales et l'information) qui a en charge les interceptions électromagnétiques.
Le FSB n'est donc pas « l'héritier du KGB » mais de l'une de ses composantes, n'opérant pas à l'étranger.
L'Occident entend parler pour la première fois de Litvinenko en novembre 1998. En effet, il participe alors à une conférence de presse mémorable dans laquelle, apparaissant avec quatre autres hommes masqués, il prétend avoir fait partie d'un groupe du FSB (administration dont il a été exclu en juin) chargé d'éliminer physiquement les opposants au pouvoir en place au Kremlin (à l'époque, le président Boris Eltsine). Cette unité spéciale aurait été mise en place fin 1997 par le prédécesseur de Vladimir Poutine à la tête du FSB : Nikolaï D. Kovalyov. Les responsables directs de cette cellule seraient Yevgeny Khokholkov et son adjoint Alexander Kamyshnikov. Une de leur première cible aurait été Boris Berezovsky, un homme d'affaires richissime considéré alors comme un proche de Boris Eltsine !
Ce n'est donc pas Poutine qui a pu lui donner l'ordre de tuer Berezovsky car il n'était pas aux affaires au moment du limogeage de Litvinenko, ne prenant les rênes du FSB qu'un mois plus tard, en juillet de la même année. Poutine est ensuite désigné au poste de Premier ministre1 (en remplacement de Sergueï Stépachine) le 9 août 1999. Il sera nommé président par intérim que le 31 décembre 1999 puis élu triomphalement en mars 2000.
Les experts doutent également de la véracité des déclarations faites lors de cette manifestation médiatique, Berezovsky étant alors dans les « petits papiers » de Boris Eltsine…
Par contre des rumeurs courent sur Litvinenko qui laissent entendre qu'il appartenait à un groupe d'officiers dissidents du FSB qui entretenaient des liens un peu trop étroits avec des criminels russes et tchétchènes connus également de Berezovski dont il était déjà un « fidèle ». Ce seraient ces doutes qui auraient poussé sa hiérarchie à l'écarter.
En effet, chose curieuse, Litvinenko qui est alors âgé de 36 ans, est déjà lieutenant-colonel. Les militaires savent pertinemment que l'avancement est parfois lié à des facteurs étranges, mais, force est de constater que cet officier a connu une promotion particulièrement rapide. Il s'était peut-être montré extrêmement brillant, , mais alors, pourquoi a-t-il été exclu du FSB ? Sa dernière affectation était le département pour l'analyse des organisations criminelles (URPO) dirigée par le Khokholkov qu'il a dénoncé en 1998. Il est vrai qu'à l'époque, les relations entretenues entre certains membres du FSB et les « mafias » russes étaient ambiguës. Touchant des salaires de misère, de nombreux fonctionnaires se laissaient corrompre, d'autres prenaient leur retraite pour rejoindre les groupes criminels qu'ils étaient chargés de combattre auparavant. Dans les deux cas, la motivation était financière. Litvinenko avait ainsi choisi de faire allégeance à Berezovsky. Vladimir Poutine tentera de remettre de l'ordre dans ce service en limogeant par la suite un certain nombre de membres du FSB jugés comme douteux. A la suite de cette affaire, Litvinenko est arrêté à plusieurs reprises mais aucune charge sérieuse n'est retenue contre lui.
En 2000, il est de nouveau appréhendé pour falsification de preuves lors d'une enquête, vraisemblablement celle concernant ses supérieurs hiérarchiques du FSB qu'il avait dénoncé à la fin 1997 alors qu'il était encore en fonction. Il appartenait alors au clan Berezovski.
Son exfiltration de Russie
Bien que son passeport lui ait été retiré, il arrive cependant à s'échapper en octobre 2000 et à rejoindre à Istanbul son épouse Marina et leur fils Anatoly qui avaient quitté précédemment la Russie avec un visa touristique. Il tente alors de contacter les Américains en se rendant à leur Consulat général. Il est éconduit mais ce sont les Britanniques qui le prennent en charge. La famille Litvinenko prend des billets d'avion pour les Caraïbes, le vol comprenant une escale à Londres. Les Litvinenko n'iront pas plus loin, profitant de cette escale pour demander l'asile politique aux autorités britanniques.
Pour tout professionnel du renseignement, cela ressemble étrangement à l'exfiltration d'un transfuge, opération classique dans laquelle les Britanniques de l'Intelligence Service (MI 6) sont considérés comme des as. Il est toujours extrêmement intéressant pour un pays de récupérer un membre des services adverses car il peut apporter beaucoup d'informations utiles concernant son organisation lors du débriefing qui s'ensuit. Il est donc probable que Litvinenko ait dit tout ce qu'il savait puisqu'il obtient, pour lui et sa famille, le statut de réfugié politique en mai 2001 (ce qui permet de déduire qu'il a été interrogé durant au moins six mois ; la durée de ce débriefing semble logique).
En octobre 2006, il est fait citoyen britannique, ce qui tendrait à prouver qu'il a continué à être utile aux services de sa gracieuse Majesté, qui ont continué à exploiter ce défecteur à fond car ce sont des opérations qui coûtent fort cher ; c'est en quelque sorte un retour sur investissement.
Le rôle joué par les Américains à Istanbul en 2000 reste plus flou. Peut-être avaient-ils trouvé le cas peu intéressant ou trop dérangeant pour la politique de rapprochement qui avait alors lieu avec leurs homologues russes dans le cadre de la lutte internationale déclenchée contre le terrorisme d'origine islamique suite aux attentats de 1998 qui ont eu lieu contre les ambassades américaines en Afrique de l'Est2. Par contre, ils peuvent également avoir passé l'affaire à leurs alliés du MI 6 alors moins concernés par cette nouvelle politique de coopération initiée avec les services russes.
Son combat politique
Après s'être opposé au président Eltsine, une fois installé en Grande-Bretagne, Litvinenko s'en prend à son successeur, le président Vladimir Poutine qui n'apprécie guère Berezovski en raison de ses relations pour le moins sulfureuses. Afin de gagner sa vie, Litvinenko se répand dans les journaux en publiant des articles violemment anti-Poutine et écrit un livre à succès, en 2002, en collaboration avec Youri Felshtinsky. Cet ouvrage intitulé Blowing up Russia : terror from within est diffusé en Russie par Alexander Podrablnek avant d'y être interdit. Il est intéressant de savoir que la publication de ce livre a été financée, du moins en partie, par Boris Berezovski, alors également réfugié à Londres (après un passage par Paris en 2000). Les auteurs accusent notamment le FSB d'être derrière les attentats à la bombe qui ont fait plus de 300 morts en 1999 en Russie3 et provoqué la deuxième guerre de Tchétchénie. Or l'envoi de troupes en Tchétchénie a été décidée par Boris Eltsine et non par Vladimir Poutine, ce que semblent oublier de nombreux détracteurs du président russe actuel. En 1999, Litvinenko n'appartenait plus au FSB puisqu'il en avait été chassé l'année précédente. On peut donc raisonnablement douter de la fiabilité de ses révélations. A titre de comparaison, certains prétendent bien que les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont été l'œuvre du Mossad (ou de la CIA) pour déclencher la guerre contre le terrorisme islamique ou qu'aucun avion de ligne ne s'est écrasé sur le Pentagone…
Litvinenko défendait également la thèse selon laquelle l'assassinat de Sergueï Iouchenkov, député et co-président du parti « Russie libérale », le 17 avril 2003, qui enquêtait sur la prise d'otages du théâtre de Moscou par des activistes tchétchènes était le fait du FSB qui aurait eu des choses à cacher dans cette sanglante affaire. Plus fort encore, il imputait la responsabilité du massacre de l'école de Beslan au même organisme, preuve s'il en est qu'il garde une grande rancune vis-à-vis de son ancienne administration ! Il déclarait aussi sur un site pro-indépedantiste tchétchène que le président Poutine est un pédophile notoire ; on croit rêver !
Afin de créer des problèmes entre Washington et Moscou, il soutenait que le docteur Al-Zawahiri, le numéro deux d'Al-Qaida, avai reçu une formation prodiguée par le FSB, un an avant les attentats du 11 septembre 2001. S'il est vrai qu'Al-Zawahiri a été arrêté et emprisonné pendant six mois en Tchétchénie sous une fausse identité qui n'a pas été percée à jour par le FSB, c'était en 1996.
Ses amis
Le principal est Boris Abramovitch Berezovski – alias « BAB » – réfugié comme lui à Londres. Ancienne éminence grise du président Eltsine, pionner du capitalisme en Russie, ses liens avec les indépendantistes tchétchènes, dont le chef de guerre sanguinaire Chamil Bassaïev, sont de notoriété publique. De nombreux observateurs avertis assurent qu'il entretenait des contacts avec les organisations criminelles russes et tchétchènes. D'ailleurs, de sérieux doutes planent quant au rôle qu'il a joué dans le déclenchement du deuxième conflit tchétchène : son but étant alors de se faire un maximum d'argent et, surtout, de prendre la place de Boris Eltsine qui, à l'époque, était donné pour moribond. En effet, certains pensent qu'en l'absence de Boris Eltsine, alors hospitalisé, Berezovski a tenté de prendre le pouvoir en s'appuyant sur quelques fidèles : Alexandre Volochine, le chef de l'administration présidentielle, Vladimir Jirinovski, Tatiana Yeltsine, la propre fille du président (qui sera déchue de toutes responsabilités par Vladimir Poutine en 2001) et son mari Valentin Ioumachev, etc.
Certaines cellules du FSB travaillaient alors directement sous ses ordres sans en référer à leur hiérarchie. Berezovski, qui assurait détenir les preuves de l'implication de Vladimir Poutine dans les attentats de Moscou (thèse reprise par Litvinenko), n'à toujours pas, à ce jour, fourni le moindre début de preuve de cette assertion. Les liens unissant Berezovski à Litvinenko étaient forts, le milliardaire russe ayant même acheté une maison à son « protégé » dans le nord de Londres pour une somme de 500 000 £. Des informations non confirmées laissent par ailleurs entendre que BAB rémunérait mensuellement Litvinenko. Ce dernier pouvait donc être considéré comme un des ses « employés ».
Parmi les autres relations de Litvinenko on note :
- Alexander Goldfarb, médecin et conseiller juridique de BAB, qui a aidé la famille Litvinenko a obtenir l'asile politique en 2001. Ayant connu Litvinenko en prison en Russie, c'est peut-être même lui qui aurait organisé sa défection.
- Akhmed Zakaïev, « ministre » des Affaires étrangères des indépendantistes tchétchènes en exil à Londres, grand « ami » de BAB.
- Oleg Gordievski, ancien résident du KGB à Londres en 1982 ; il est suspecté de trahison par ses employeurs et arrêté lors de l'un de ses séjours en Russie. Le MI 6 monte alors une formidable mission d'exfiltration qui le ramène à Londres en 1985. Le colonel Gordievsky est considéré comme le plus haut gradé du KGB étant passé à l'Ouest durant la guerre froide.
- Le brigadier général Oleg Kalugin qui fut un des supérieurs hiérarchiques de Litvinenko au sein du FSB. Condamné pour haute trahison par Moscou, il est réfugié aux Etats-Unis.
Ces amitiés particulières peuvent permettre de tenter de comprendre l'attitude passée de Litvinenko.
L'empoisonnement
Le 1 er novembre, Litvinenko tombe malade. Hospitalisé dans un premier temps à l'hôpital Barnet, il est transféré le 17 à celui de l'University College à Londres. A cette date, les médecins diagnostiquent un empoisonnement au thallium, produit qui ressemble à du sel mais qui est incolore, inodore, sans goût et soluble dans l'eau, un élément chimique présent dans la mort aux rats et autres insecticides. Pour être efficace, les contre-mesures (injection d'antidote au potassium appelé le « bleu de Prusse ») doivent être prises dans les six heures qui suivent l'absorption de ce poison ! Cependant, les médecins pensent maintenant qu'il ne s'agissait pas de thallium mais d'un produit radioactif (Polonium 210). Les suites de l'enquête devraient révéler la nature exacte du poison employé.
Le 1 er novembre, le jour où il a commencé à se sentir mal, Litvinenko a rencontré vers 15h00 Mario Scaramella, un ancien magistrat italien actuellement enseignant à la faculté de Naples, qui avait sollicité une entrevue par e-mail un mois auparavant. Il souhaitait lui faire prendre connaissance d'un message de quatre pages où il était question de l'assassinat de la journaliste russe Anna Politkovskaïa et dans lequel figuraient les noms d'agents du FSB. Litvinenko a déclaré aux enquêteurs qu'il s'était étonné du fait que son correspondant italien ait fait le déplacement uniquement pour lui soumettre un document qu'il pouvait très bien lui adresser par courrier électronique (ce document est en anglais ; Litvinenko parlait et lisait très mal cette langue – ce qui en dit long sur son professionnalisme – n'a pas eu le temps d'étudier plus avant ces papiers en raison de son hospitalisation).
Scaramella est consultant auprès de la commission parlementaire italienne « Mitrokhine »4 qui enquête sur les activités du KGB en Italie au temps de la Guerre froide. Cette commission est présidée par le sénateur Paolo Guzzanti membre de Forza Italia. Scaramella, collaborateur connu des services spéciaux italiens (SISMI), aurait échappé à un attentat monté par la Camorra en 2004. Il est connu pour entretenir des contacts avec le FSB, et plus particulièrement avec Viktor Kolmogorov, directeur adjoint chargé de suivre les dossiers des anciens du KGB. Il serait aussi proche des services américains5. Pour ce qui relève du détail, c'est Litvinenko qui a conduit Scaramella dans le restaurant japonais Itsu de Piccadilly Circus. Il aurait été le seul à consommer, son interlocuteur italien se montrant nerveux. Il semble donc que ce ne soit pas à ce moment-là qu'il ait été empoisonné. D'ailleurs, selon les dires du consultant italien, Litvinenko commençait à ne plus se sentir très bien lors de cette rencontre. Pour en savoir un peu plus, il conviendrait de connaître le contenu exact de ces fameux documents et surtout, leur provenance.
Litvinenko aurait ensuite rencontré à l'hôtel Millenium, situé dans le quartier de Mayfair, au centre de Londres, deux Russes avec lesquels il aurait pris un thé. L'un des deux est une ancienne connaissance de Litvinenko : Andreï Lugovoy, qui a servi au KGB au sein du 9 e directorat (protection des personnalités) avant de pantoufler comme agent de sécurité pour la chaîne de télévision russe ORT qui appartenait alors à Berezovsky. Il n'a pas suivi son mentor en exil et continue à résider à Moscou. Le deuxième serait un certain Dimitri Kovtoun. Cette rencontre reste entourée de mystère. Les deux hommes auraient quitté le pays.
Cela dit, il est tout à fait possible que Litvinenko ait été empoisonné à un autre moment, voire plusieurs jours auparavant, ce que tendrait à démontrer l'enquête en cours, en particulier le fait que des traces de radioactivité auraient été découvertes à son domicile de Muswell Hill, au nord de Londres. Plus étranges sont celles retrouvées dans les bureaux de Berezovski au 7 Down Street et dans des bureaux situés au 25 Grosvenor Street.
Qui peut être derrière cet empoisonnement ?
Les medias occidentaux avancent avec insistance la thèse du FSB en mettant en exergue l'argument : « à qui profite le crime? Au président Poutine ». Cette thèse ne semble pas satisfaisante pour trois raisons. Litvinenko ne gênait pas tant que cela Moscou car il est connu par les spécialistes comme un affabulateur notoire qui a mis sa hargne personnelle au service de Berezovski. Aucun cas d'assassinat d'opposant réfugié à l'étranger (et il y en a de bien plus importants que lui) n'a été signalé. Enfin, si les services russes (et en aucun cas le FSB qui cantonne ses opérations à l'intérieur de la Fédération de Russie) lancent une opération « homo » (l'élimination physique d'une cible), ils le font d'une manière professionnelle et la victime n'a pas le temps de se confier à des enquêteurs.
Le dernier cas connu est celui de Georgi Markov, le dissident bulgare qui a été empoisonné à l'aide d'un parapluie piégé en 1978 à Londres. Les experts oublient de mentionner que ce meurtre avait été organisé par les services bulgares, certes avec l'aide technique de leurs homologues du KGB. Moscou se serait d'ailleurs montré réticent pour cette opération, mais leurs « amis » bulgares semblaient particulièrement y tenir.
Qui pourrait-être alors le commanditaire de cet assassinat ?
- Une des mafias russo-tchétchénes qui aurait reçu un contrat ? Mais laquelle ?
- Le service d'un pays tiers ou d'une organisation terroriste internationale qui aurait eu intérêt à nuire au président Poutine ? Cette thèse est avancée par les autorités russes et permettrait d'expliquer l'emploi de Polonium qui tend à faire croire à une opération des services russes (la « preuve » est un peu trop flagrante).
- Un homme de Berezovski lui-même ? Il est en effet étrange que Litvinenko ait obtenu la nationalité britannique. Les Anglais et en particulier le MI 5 lui ont-ils demandé de surveiller son sulfureux et encombrant patron ? Sa naturalisation pourrait constituer une récompense pour services rendus. Si Berezovski s'en est aperçu, il a très bien pu commanditer l'assassinat de celui qu'il pensait être une taupe. Pour cela, il a très bien pu déléguer l'opération aux mafias citées plus haut. Leur puissance financière le permet certainement de détenir le fameux Polonium. Il lui est alors aisé d'accuser le FSB pour tenter de détourner les soupçons tout en nuisant à la réputation du président russe qu'il abhorre.
Un indice significatif provient du fait que la section anti-terroriste de Scotland Yard (SO 15) a repris l'enquête, la section criminelle en étant déchargée… Il semble que les Britanniques ont des soupçons qui ne vont pas en direction du FSB !
L'enquête s'avère difficile et délicate diplomatiquement parlant. Elle apportera peut-être des réponses à toutes ces questions, si la raison d'Etat ne l'emporte pas. Une certitude cependant, les services secrets tuent très peu à l'exception de ceux qui sont en «guerre ouverte» contre leurs adversaires. Ils choisissent alors leur cible en fonction de l'importance qu'elle représente. Le malheureux Litvinenko ne semblait pas être d'un « calibre suffisant» pour inquiéter Moscou, ce qui n'était pas le cas de responsables tchétchènes et de certains de leurs alliés internationalistes qui ont connu une fin tragique dans les années précédentes. La piste relevant du droit commun semble être à l'heure actuelle, la plus probable.
- 1Il sera remplacé à la tête du FSB par N.P. Patrouchev.
- 2Washington pourchassait déjà les activistes d'Al-Qaida à l'origine de ces attentats. Moscou qui avait déclenché la deuxième guerre de Tchétchénie cherchait également à contrer les combattants internationalistes islamiques engagés dans la guerre sainte menée dans cet Etat de la Fédération de Russie. Un ennemi commun permet toujours de rapprocher des intérêts divergents à l'origine.
- 3Les attentats de Moscou n'ont pas été la seule raison du déclenchement de la deuxième guerre de Tchétchénie. En effet, les forces indépendantistes tchétchènes dirigées à l'époque par Chamil Bassaïev et son adjoint internationaliste, le Commandant Khattab, avaient lancé une offensive en août 1999 contre le Daghestan voisin en vue d'y soutenir un coup d'Etat islamique. Suite à l'échec de cette invasion, le 3 septembre Khattab avait déclaré que islamistes se préparaient à « mener des actions de représailles en divers endroits du territoire russe ». Le lendemain, un immeuble abritant des familles de militaires russes était détruit par explosion à Bouïnaks au Daguestan. Un mois plus tard, deux immeubles étaient soufflés à Moscou même.
- 4Les « archives de Mitrokhin », un ancien analyste du KGB, ont été publiées en Europe et ont montré le fonctionnement du KGB de l'intérieur.
- 5Son statut supposé d' « honorable correspondant » du SISMI expliquerait les liens qu'il peut entretenir avec d'autres services secrets. Il aurait notamment effectué des missions en Colombie au profit de la CIA.