La défaite militaire des tigres tamouls
Alain RODIER
Le lundi 18 mai 2009, le chef du LTTE et deux de ses principaux lieutenants ont été tués par les forces armées sri lankaises alors qu'ils tentaient d'échapper à l'encerclement du dernier bastion de 1,5 km2 qu'ils tenaient dans le district de Mullaithivu. Il s'agissait d'une zone théoriquement démilitarisée où s'entassaient plus de 100 000 réfugiés. En effet, les forces armées sri lankaise qui ont repris l'offensive en 2006 sur instruction du nouveau président élu, Mahinda Rajapase, ont très progressivement acculé les séparatistes tamouls dans le nord du pays, réduisant peu à peu les régions qu'ils contrôlaient par le passé (jusqu'à 20% de l'île a été une temps sous administration du LTTE).
Au petit matin du 18 mai, les trois hommes ont tenté de franchir en force les lignes adverses à bord d'un véhicule blindé escorté par un bus bondé de combattants du LTTE. De violents affrontement ont alors eu lieu pendant environ deux heures. Au moins une roquette anti-char a atteint le véhicule du chef du LTTE. 78 cadavres ont été relevés à l'issue de ses combats qui ont été particulièrement acharnés. 40 corps ont pu être formellement identifiés dont ceux de hauts responsables du mouvement. A côté de Velupillai Prabhakaran, le chef historique des Tigres tamouls se trouvait Thihilalyampalan Sivanesan – alias colonel Soosaï -, le chef de la composante navale du mouvement (les Sea Tigers ) ; il y avait aussi celui de Shanmugalingan Sivashankar – alias Pottu Amman -, l'ancien responsable des services de renseignement [1] et des Black Tigers , les fameux commandos suicide du LTTE.
Déjà, les autorités avaient annoncé la mort – vraisemblablement le même jour – de Charles Anthony, le fils de Prabhakaran, de Nadesan Balasingham le chef de la police du mouvement, de Seevaratnam Puledevan le responsable du secrétariat « pour la paix » et du chef militaire Ramesh. Il est possible que se sentant définitivement perdus, de nombreux membres du LTTE se soient suicidés plutôt que d'être faits prisonniers. C'est la consigne qui a toujours été donnée par Prabhakaran.
Quelles perspectives pour le Sri Lanka ?
Incontestablement, le gouvernement de Colombo vient de remporter une éclatante victoire militaire contre le mouvement séparatiste. L'île (ex-Ceylan) est de nouveau entièrement sous contrôle des autorités alors que des zones « libérées » avaient perdurées durant des années. L'infrastructure policico-militaire du LTTE au Sri Lanka est anéantie.
Cependant, il convient de rester prudent quant à la suite des évènements. En effet, l'infrastructure extérieure que le LTTE a su créer au sein de l'importante diaspora tamoule établie à l'étranger, particulièrement en Inde, en Europe occidentale, au Canada et en Extrême-Orient est intacte. Cela explique d'ailleurs les importantes manifestations qui ont eu lieu dans les capitales européennes à la mi-mai 2009. Qui dit infrastructure extérieure implique moyens financiers et humains qui sont encore disponibles. En effet, le LTTE tirait la majorité de ses fonds de l'impôt révolutionnaire prélevé au sein de la communauté tamoule et de différentes activités criminelles.
Le successeur de Prabhakaran pourrait être Selvarasa Pathmanathan – alias Kumanran Padmanadan – qui est un des plus importants porte-parole du mouvement, mais aussi l'homme qui a négocié l'acquisition clandestine d'armes en Bulgarie, en Chine, en Corée du Nord, au Zimbabwe, en Ukraine et en République tchèque. En effet, personne ne peut imaginer que ce personnage important va accepter la défaite et se retirer dans une retraite tranquille. Il est probable qu'il va tenter de réorganiser le mouvement afin de lancer rapidement de nouvelles actions pour prouver que les Tigres tamouls sont toujours opérationnels. Cependant, en raison de leurs moyens, qui sont actuellement restreints du fait de la victoire des forces de sécurité sri lankaises, il est à craindre que le mouvement ne se livre à la seule activité aujourd'hui techniquement à sa portée : les attentats suicide. Bien avant le Hezbollah libanais, le LTTE s'est fait une spécialité de cette tactique du « faible au fort », employant en particulier des femmes et des enfants.
La balle est désormais totalement dans les mains du président Mahinda Rajapase. Comment va t-il gérer la victoire militaire ? S'il ne conduit pas correctement les opérations humanitaires d'envergure destinées à secourir les dizaines de milliers de civils réfugiés, particulièrement en ouvrant son pays à l'aide internationale, et surtout, s'il n'accorde pas enfin des droits légitimes à la communauté tamoule, il est probable que la violence ne reprenne de plus belle dans les années à venir, avec en corollaire, une réprobation internationale accentuée.
- [1] En décembre 2008, il aurait été remplacé par Ratman Master.