France : menace d’attentat imminent en France
Alain RODIER
Les Brigades Abou Hafs al-Masri-Division Europe ont adressé, via le site internet www.alfirdaws.org (enregistré à Amman, en Jordanie), un communiqué intitulé « Note à l’attention du peuple français ». Dans ce texte, on peut lire le passage suivant : « Maintenant que vous avez défini votre position et élu à votre tête le croisé sioniste Sarkozy – qui a soif du sang des enfants, des femmes et des vieillards musulmans et qui meurt d’envie de remplir la tâche du seigneur de la Maison Blanche – nous, les Brigades du martyr Abou Hafs Al-Masri, vous prévenons que les prochains jours verront une campagne djihadiste sanglante et une guerre sans merci dans la capitale de Sarkozy, contre tous ceux qui se sont laissés entraîner par la politique des personnages abjects de la Maison noire ». Ce document est signé par Abou Hafs Al-Tikriti. Toutes les menaces annonçant le déclenchement d’actions terroristes sont à prendre avec sérieux, même si certaines d’entre elles se révèlent ensuite fantaisistes.
Qui sont les Brigades Abou Hafs al-Masri-Division Europe ?
Abou Hafs al-Masri est en fait Mohamed Atef, le chef opérationnel d’Al-Qaida. C’était un des plus proches collaborateurs de Ben Laden et de son second, le docteur Ayman Al-Zawahiri. Il faisait partie de la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI. Il a été tué lors de bombardements américains en octobre 2001, en Afghanistan.
Un groupe portant le nom des Brigades Abou Hafs Al-Masri a revendiqué de nombreuses actions terroristes sanglantes :
- les attentats de Charm el-Cheikh du 23/07/2005,
- les attentats de Londres du 7/7/2005,
- les attentats de Madrid du 11/03/2004,
- les attentats contre les intérêts britanniques en Turquie le 20/11/2003,
- les attentats contre des intérêts juifs en Turquie le 15/11/2003.
En outre, par deux fois, ce mouvement a menacé l’Europe d’actions terroristes. En août 2004, les Européens avaient été sommés de cesser d’« agresser les musulmans et de s’immiscer dans leurs affaires intérieures » en échange de la « paix ». Le 16 juillet 2005, il avait donné un mois aux Européens pour retirer toutes leurs troupes d’Irak sous peine de subir de nouveaux attentats. Ces menaces n’avaient pas été suivies d’effet, mais les services de sécurité (notamment britanniques) ont déjoué depuis lors plusieurs tentatives importantes qui, si elles avaient eu lieu, auraient pu être revendiquées par ce groupe.
Plus folklorique, les Brigades Abou Hafs al-Masri ont revendiqué être pour quelque chose dans la panne d’électricité géante survenue aux Etats-Unis en août 2003. Il a ensuite été prouvé que cette dernière n’était due qu’à une série d’incidents techniques.
En conclusion, il est vraisemblable que plusieurs groupes ont utilisé par le passé la même appellation : des amateurs et des professionnels de la terreur. Dans ce deuxième cas, des indices concordants laissent à penser qu’ils obéissaient aux injonctions d’Ayman Al-Zawahiri, ce qui est très inquiétant pour l’avenir. En effet, il est désormais prouvé que ce personnage est directement impliqué dans de nombreux attentats dont certains devaient avoir lieu en 2006 en Arabie saoudite contre des complexes pétrochimiques. Quoiqu’en disent certains experts, Al-Zawahiri est toujours aux commandes et son pouvoir de nuisance est encore très important. L’appellation « Division Europe » attire également l’attention. En effet, il est maintenant connu (cf. Alain Rodier, Al-Qaida, les connexions mondiales du terrorisme, Ellipses, 2006) que la nébuleuse Al-Qaida s’est réorganisée en plusieurs « fronts ». L’Europe occidentale et le Maghreb constituent un front unique. Les Brigades Abou Hafs al-Masri Division Europe pourraient donc correspondre à Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le nouveau nom du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) algérien.
Pourquoi la France est-elle menacée ?
La France était déjà menacée directement depuis la déclaration du 11 septembre 2006 du docteur Ayman Al-Zawahiri. Il a chargé le GSPC de déclencher des attentats en France, chose qui lui est d’autant plus aisée puisqu’il bénéficie, depuis des années, de réseaux logistiques implantés dans l’hexagone, en Italie et en Belgique.
En effet, bien avant les élections présidentielles, la France était déjà considérée par Al-Qaida comme un de ses pires ennemis juste après les Etats-Unis et Israël.
La raison est d’abord historique. Ce sont les Français qui ont arrêté la conquête des Maures à Poitiers en 732, date du début du déclin du monde musulman. Ensuite, elle a été à la base de la plupart des croisades qui avaient pour but de reconquérir Jérusalem (même si ces dernières étaient commanditées par la papauté). L’appellation « croisés » nous correspond donc à merveille, plus encore que pour les Etats-Unis qui n’existaient pas à l’époque. Plus tard, la France a colonisé des terres d’islam puis a combattu Nasser aux côtés des Britanniques et des Israéliens lors de l’opération de Suez en 1956. Elle a soutenu le régime laïque de Saddam Hussein durant la guerre contre l’Iran (1981-88). En 1991-92, elle a participé à la première guerre du Golfe « envahissant » l’Arabie saoudite, terre sacrée de l’Islam.
Aujourd’hui, Paris soutient les régimes apostats qui sont en place dans la plupart des pays musulmans et en particulier celui du président Abdelaziz Bouteflika. D’ailleurs, la France éprise du mot Démocratie n’a rien trouvé à redire à l’annulation par l’armée algérienne du scrutin de décembre 1991 qui devait amener le Front islamique du salut (FIS) au pouvoir. Des forces françaises participent directement à la guerre déclenchée contre les taliban en Afghanistan, aux côtés des Américains. Enfin, elle intervient au Liban dans le cadre de la FINUL renforcée pour « protéger les intérêts sionistes ». Cerise sur le gâteau : selon les fondamentalistes d’Al-Qaida, la France maltraite les populations musulmanes implantées sur son sol en leur interdisant de porter le voile, en ne leur accordant pas les salles de prière dont elles ont besoin, en pratiquant la discrimination, etc.
Enfin, il convient de ne pas oublier un fait majeur souvent occulté : l’objectif à long terme d’Oussama Ben Laden est l’établissement d’un califat mondial. En clair, pour lui et ses séides, le monde entier devra se convertir à l’Islam radical et dans ce cadre, l’Europe et la France en particulier, sont considérées comme des futures terres de djihad.
Pourquoi le Président Sarkozy attire-t-il les foudres d’Al-Qaida ?
Ce qui est reproché en plus au président Sarkozy, c’est tout d’abord sa sympathie clairement affichée pour le « petit Satan » (Israël)1 et son atlantisme supposé avec le « grand Satan » (les Etats-Unis).
Ensuite, il représente une menace pour les djihadistes internationalistes car son expérience acquise au sein du ministère de l’Intérieur fait qu’il est parfaitement au courant du danger potentiel qu’ils représentent aujourd’hui.
Enfin, profitant des leçons apprises lors des attentats de Madrid2, Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri connaissent parfaitement les faiblesses des peuples de la vieille Europe. En terrorisant les populations, ils espèrent influencer l’opinion publique dans le sens qui les arrange : la démission et la faiblesse.
Si Ségolène Royal avait été élue, en aurait-il été autrement ? Certainement pas, car les griefs entretenus à l’encontre de la France et des Français n’auraient pas changé. D’autres défauts lui auraient été trouvés dont le premier aurait été d’être une femme occupant des responsabilités politiques de premier plan, ce qui est tout à fait inadmissible pour les extrémistes islamiques. De plus, rien dans son programme ne laissait entendre qu’elle allait baisser la garde à l’encontre du danger représenté par Al-Qaida. Enfin, il aurait été rappelé que lors de son voyage en Israël en décembre 2006, elle avait apporté son soutien à l’Etat hébreu.
Que peut-il se passer ?
La prospective est un art difficile. Deux cas de figure sont possibles.
Soit un groupe structuré composé de militants et de sympathisants du GSPC suit les consignes données. Le risque est alors important que plusieurs attentats (suicide ou non) aient lieu presque simultanément sur le territoire. La capitale devrait être la première touchée, car elle est clairement désignée dans le message de menace. Or, tous les lieux publics ne peuvent être protégés intégralement car cela est matériellement impossible. Deux autres manifestations attirent déjà les caméras qui constituent une sorte d’aimant pour les terroristes de toutes natures : le festival de Cannes (qui représente un conglomérat de ce que haïssent profondément les islamiques extrémistes : l’image humaine, la décadence de la société, la luxure, etc.) et, dans une moindre mesure, le tournoi de tennis de Roland Garos.
Deuxième possibilité, des « amateurs » décident d’inscrire leur nom dans l’Histoire en prenant pour prétexte cette menace pour passer à l’action. Le risque opérationnel visera les mêmes objectifs, mais l’efficacité des opérations entreprises sera vraisemblablement bien inférieure en raison de leur manque de professionnalisme. Le grand problème réside dans le fait que les amateurs sont généralement inconnus des services de police, ce qui leur laisse le champ libre.
Les services de sécurité français (DST, RG, Gendarmerie, DGSE, etc.) dipsosent tous d’une longue expérience dans le domaine du terrorisme d’origine islamique. Leurs compétences sont reconnues internationalement et ils ont obtenu des résultats tangibles par le passé, déjouant notamment de nombreuses tentatives d’attentats (lors de la coupe du Monde de football puis à Strasbourg en 2000, contre l’ambassade de Russie, etc.). Nul doute qu’ils sont actuellement sur les dents et qu’ils font tout pour que le pire n’arrive pas.
- 1 Son amitié avec l’avocat franco-israélien Arno Klarsfeld lui est notoirement reprochée par les fondamentalistes musulmans.
- 2 Les attentats de 2004 ont réussi à faire tomber le gouvernement Aznar (qui, il est vrai, s’est comporté d’une façon extrêmement maladroite) et à provoquer le retrait des forces espagnoles d’Irak. Quoiqu’on puisse penser du fond de cette affaire, cela représente tout de même une grande victoire pour un mouvement terroriste international et ne peut que l’encourager à poursuivre dans cette voie.