France : inventaire des procedures judiciaires ouvertes a l’encontre de terroristes islamistes (1999-2006)
Nathalie CETTINA
L'une des meilleures illustrations de l'efficacité du système policier français dans la lutte contre le terrorisme islamiste est celle des procédures judiciaires ouvertes à l'encontre d'auteurs d'attentats ou de tentatives d'attentats. Un tel inventaire n'avait jamais été dressé, alors même qu'il est particulièrement révélateur.
Certes, il n'est pas totalement complet : 150 individus ont été mis en examen et écroués depuis septembre 2001, or nous ne les citons pas tous. De même, les procès ont sans doute été plus nombreux, mais l'énoncé des peines fait souvent défaut. En revanche, nous estimons avoir recensé l'essentiel des informations judiciaires ouvertes. Nous essaierons de compléter cet inventaire dans les mois à venir.
– Procès de 21 membres du réseau Kelkal devant la cour d'assises spéciale de Paris. Ils ont été reconnus coupables, le 15 septembre 1999, « d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » pour avoir préparé les attentats de 1995 à Paris.
Boualem Bensaid et Smain Ait Ali Belkacem sont considérés comme les coordonnateurs du réseau et sont condamnés à des peines de 10 ans de prison. Boualem Bensaid a été condamné en appel le 19 octobre 2001 à 30 ans de réclusion criminelle pour l'attentat manqué contre le TGV Lyon-Paris du 26 août 1995.
– Information judiciaire confiée aux juges Bruguière et Ricard en février 2001 relative à la préparation d'un attentat sur le marché de Noël à Strasbourg en décembre 2000.
Au terme d'interpellations effectuées pendant deux ans, 10 prévenus ont été jugés pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » à l'automne 2004 devant le tribunal correctionnel de Paris, au nombre desquels Mohamed Bensakhria (arrêté le 22 juin 2001 à Alicante), Slimane Khalfaoui, Yacine Aknouche.
– Ouverture d'une information judiciaire conduite par les juges Bruguière et Ricard contre Zacarias Moussaoui en août 2001 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », afin de rassembler des éléments sur ses activités lorsqu'il était en France.
– Information judiciaire ouverte par le parquet de Paris le 10 septembre 2001 confiée aux juges Bruguière et Ricard relative au groupe de Djamel Beghal, créé pour constitution d'une cellule préparant des attentats contre des intérêts américains en France.
- Interpellation et mise en détention de 6 membres du réseau le 16 septembre 2001 et extradition des Emirats Arabes Unis, de son chef, Djamel Beghal, le 30 septembre 2001, qui est mis en examen le 1 er octobre 2001.
- 4 nouvelles interpellations ont lieu le 5 octobre 2001.
- Arrestations de 3 islamistes le 9 décembre 2002 dans l'Essonne.
- Kamel Daoudi, membre majeur du groupe, a été interpellé à Londres et extradé en France.
- Le procès de Djamel Beghal et de 5 co-prévenus s'est ouvert le 3 janvier 2005 devant la 10 e chambre du tribunal correctionnel de Paris, poursuivis pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes ».
– Information judiciaire ouverte sur les attentats du 11 septembre 2001.
- Arrestation le 1 er juin 2003 et mise en examen le 5 juin 2003 de Karim Mehdi, 34 ans, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Il serait lié à la cellule de Hambourg dirigé par Mohammed Atta et soupçonné de projeter un attentat à la Réunion .
– Le procès de 3 membres du « gang de Roubaix », à la croisée du grand banditisme et de l'islamisme radical, Hocine Bendaoui, Mouloud Bouguelane (arrêtés le 31 juillet 1996 à Tourcoing) et Omar Zemiri, s'est tenu en octobre 2001 devant le tribunal de Douai. Les peines prononcées contre Zemiri, Boughelane et Bendaoui furent respectivement de 28 ans, 20 ans et 10 ans de réclusion criminelle. Zemiri a été jugé en appel le 15 décembre 2003.
Lionel Dumont, membre du groupe, condamné par contumace à la prison à perpétuité en France, a été arrêté à Munich le 13 décembre 2003 et jugé le 5 décembre 2005 par la cour d'assises du Nord pour braquages, tentatives d'homicides et dépôt de bombe.
– Condamnation le 30 novembre 2001 de 24 islamistes poursuivis « pour avoir apporté un soutien logistique aux maquis algériens et pour association de malfaiteurs », dont nombre d'entre eux étaient soupçonnés d'appartenir à la branche européenne du « Takfir wal Hijra ».
– Information judiciaire ouverte le 5 décembre 2001, confiée au juge Van Ruymbeke, sur des soupçons de blanchiment lors de mouvements financiers effectués, via Paris, entre des sociétés du groupe Saudi Investment Company, dirigé par Yeslam Ben Laden., résident en Suisse, demi-frère d'Oussama Ben Laden.
- Yeslam Ben Laden a été convoqué par la justice française, en qualité de témoin, le 27 septembre 2004, au sujet de ses liens financiers avec le commanditaire des attentats du 11 septembre 2001.
- le 28 septembre 2004, le parquet de Paris a délivré au juge Van Ruymbeke un réquisitoire supplétif visant d'autres faits de blanchiment, permettant ainsi d'étendre les investigations sur des transferts de fonds effectués à partir de structures domiciliées à Genève à destination du Pakistan.
– Information judiciaire ouverte le 27 mai 2002 et confiée aux juges Bruguière et Ricard, pour « assassinats et complicité de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste » suite à l'attentat perpétré à Karachi le 8 mai 2002, dans lequel 11 ingénieurs de la Direction des constructions navales avaient été tués.
– Information judiciaire confiée en septembre 2002 aux juges Bruguière et Ricard relative aux 7 prisonniers français de Guantanamo.
- 4 prisonniers français ont été mis en examen et écroués, Mourad Benchellali, Imad Kanouni, Nizar Sassi, Brahim Yadel le 1 er août 2004 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Brahim Yadel avait été condamné en décembre 2000 par contumace à un an de prison pour avoir fait partie du réseau qui projetait un attentat lors de la coupe du monde de football en France en 1998.
- Khaled Ben Mustafa et Redouane Khalid ont également été mis en examen et incarcérés en mars 2005. Seul Mustaq Ali Patel n'a pas été mis en examen.
- Le procès de six ex-détenus de Gantanamo, Mourad Benchellali, Imad Kanouni, Nizar Sassi, Brahim Yadel, Khaled Ben Mustapha et Redouane Khalid, s'est ouvert devant le tribunal correctionnel de Paris le 3 juillet 2006 pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes ».
– Ouverture le 1er octobre 2002, devant la cour d'assises spéciale de Paris, du procès de Boualem Bensaid et de Smain Ait Ali Belkacem, accusés d'être respectivement, pour l'un : auteur principal des attentats de la station de RER Saint-Michel, le 25 juillet 2005, et de la station de métro Maison-Blanche, le 6 octobre 2005, et complice de l'attentat contre la station de RER Musée d'Orsay, le 17 octobre 2005 ; et, pour l'autre, d'être le principal responsable de l'attentat contre la station de RER Musée d'Orsay.
Le 30 octobre 2002, Boualem Bensaid et Smain Ait Ali Belkacem sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ; le premier pour « tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste », pour l'attentat du métro Maison-Blanche, et pour « complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat », pour les attentats des stations de RER Saint-Michel et Musée d'Orsay ; le second a été reconnu coupable de l'attentat contre le RER du Musée d'Orsay.
La condamnation contre Boualem Bensaid a été confirmée en appel le 27 novembre 2003 par la cour d'assises spéciales, qui l'a également déclaré coupable de l'attentat contre la station de RER Saint-Michel.
– Arrestation le 30 octobre 2002 et mise en examen le 3 novembre 2002 par le juge Bruguière pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », d'un homme de 38 ans soupçonné d'être un militant islamiste algérien, en possession d'une trentaine de passeports français contrefaits.
– Condamnation par la cour d'assise à la réclusion criminelle à perpétuité d'Ali Belkacem, le 30 octobre 2002, accusé d'avoir coordonné le réseau chargé de commettre des attentats en France en 1995.
– Information judiciaire ouverte par les juges Bruguière et Ricard sur l'attentat contre la synagogue de Djerba le 11 avril 2002, commis par Nizar Naouar.
- Mise en lumière des complicités dont le kamikaze a bénéficié sur le sol français et interpellation de 8 membres de sa famille, dont 2 ont été mis en examen, Oualid Naouar, 22 ans, son frère, et Mohamed Fethi, 45 ans, son oncle le 12 novembre 2002.
- Arrestation le 7 juin 2003 de Christian Ganczarski à Roissy, un des « auteurs intellectuels » de l'attentat.
– Information judiciaire ouverte le 13 novembre 2002 par le parquet de Paris et confiée au juge Bruguière sur les filières tchétchènes d'acheminement de combattants du djihad vers la république du Caucase, achevée en novembre 2005.
- Arrestation de La Courneuve le 16 décembre 2002 de 3 hommes et une femme, soupçonnés de préparer un attentat. Ils sont mis en examen et écroués pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
- Dans le cadre d'une enquête sur une cellule soupçonnée d'avoir envisagée un attentat chimique en France en décembre 2002 :
- . Arrestation et incarcération de 4 islamistes le 24 décembre 2002 à Romainville (Seine-Saint-Denis), dont Menad Benchellali qui aurait projeté un attentat chimique, Belmehel Beddaidj, Maamar Bedderar et Omar Teguer.
- . Arrestation de Nourredine Merabet le 21 décembre 2002
- . Six personnes, dont trois membres de la famille Benchellali, Chellali Benchellali, son père, imam, Halsa Benchelalli, sa mère, Hafed Benchellali, son frère, Mourad Merabet et Abdelouahab Regad ont été arrêtés le 6 janvier 2004, et ont été mis en examen à Paris le 12 janvier 2004.
- Arrêté d'expulsion pris par le ministère de l'Intérieur contre Chellali Benchellali, le 8 janvier 2004, présenté comme un proche du GSPC.
- Mise à jour de connexions rares entre les « petites mains » en France et de hauts responsables du djihad international. Deux hommes clés : le Jordanien Abou Atya (détenu en Jordanie) et l'Algérien Said Arif (extradé en France de Syrie le 17 juin 2004).
- Ouverture à la fin du mois de mars 2006, devant la 14 e chambre du tribunal correctionnel de Paris, du procès de 26 islamistes suspectés d'appartenir à la « filière tchétchène » et d'avoir préparé des attentats qui devaient être perpétrés en France.
– Information judiciaire confiée au juge Bruguière, suite à une enquête ouverte en février 2003, lors de la sortie de prison de Safé Bourada, le 9 février 2003, condamné en 1998 après le démantèlement du groupe islamiste de Chasse-sur-Rhône.
Un resserrement de la surveillance a eu lieu au cours de l'été 2005 et a permis l'interpellation de 9 islamistes, le 26 septembre 2005, dans l'Eure et dans les Yvelines. Ils sont soupçonnés d'avoir envisagé de commettre des attentats en France (métro parisien, aéroport ou siège de la DST) et qui seraient liés à la mouvance du GSPC.
– Une opération menée le 24 février 2003 en Espagne, sur commission rogatoire française, a permis d'arrêter 16 personne en Catalogne, essentiellement des Algériens, soupçonnés d'appartenir au GSPC. Ce réseau était constitué de deux groupes, l'un dirigé par Mohamed Tahraqui et l'autre par Bard Eddin Ferdji, en contact avec les terroristes impliqués dans l'attentat de Bali du 12 octobre 2002.
– Comparution devant la 10 e chambre du tribunal correctionnel de Paris le 27 février 2003 d'Adel Mechat, incarcéré depuis juin 2000 à la prison de la Santé pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Condamné à 6 ans d'emprisonnement, considéré comme un lieutenant d'un des chefs du GIA, il avait été interpellé en 1998 dans le cadre d'une opération d'arrestations préventives avant la coupe du monde de football. Il entretenait des liens depuis sa cellule par téléphone portable avec un militant islamiste aux Pays-Bas, proche du GSPC.
– Sur instruction conduite par le juge Bruguière, arrestation le 17 juin 2003 de 164 militants de l'Organisation des Moudjahidines du Peuple iranien (OMPI) à Auvers-sur-Oise et mise en examen de 17 d'entre eux, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », 11 personnes ont été incarcérées le 21 juin 2003, dont Maryam Radjavi, libérée le 2 juillet 2003.
Ouverture par le parquet d'une nouvelle information judiciaire contre X au printemps 2004 à propos d'un attentat commis à Téhéran le 5 février 2000 revendiqué par l'OMPI.
– Information judiciaire ouverte sur l'assassinat du commandant Massoud.
- Mise en examen de Willy Brigitte le 22 octobre 2003 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». W. Brigitte a été extradé d'Australie le 17 octobre 2003. Il appartenait à une cellule opérationnelle constituée à Sydney, et a été arrêté le 9 octobre 2003. Il est soupçonné d'avoir aidé à livrer des faux passeports belges aux deux faux journalistes qui ont assassiné le chef de guerre afghan le 9 septembre 2001.
- Procès de 7 islamistes devant la 13 e chambre du tribunal correctionnel de Paris au mois d'avril 2005 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », Adel Tebourski, Ibrahim Keita, Khellaf Hammam, Mehrez Azouz, Abderahmane Ameroud, Youssef El Aouni, Azdine Sayef, lesquels étaient liés à des projets d'actions terroristes, dont l'assassinat du commandant Massoud.
– Ouverture d'une information judiciaire contre X par le parquet de Paris, le 10 février 2004, relative à l'assassinat de 7 moines français à Tibéhrine en Algérie, au mois de mai 1996, pour « enlèvements, séquestrations et assassinats en relation avec une entreprise terroriste ».
– Information judiciaire confiée aux juges Bruguière et Ricard sur les attentats perpétrés à Casablanca le 16 mai 2003.
- Mise en garde à vue, le 5 avril 2004, de 13 membres du GICM (Groupement islamique combattant marocain), vivant en France, ayant le profil de « vétérans afghans », après une opération menée à Mantes-la-Jolie et à Aulnay-sous-Bois. Six d'entre eux auraient constitué une cellule islamiste en France liée au GICM : les Français Bachir G., Fouad C., Redouane A., Attila T., et les Marocains Rachid A., Mustapha Baouchi (chef présumé).
– Information judiciaire ouverte sur les réseaux afghans en 1995 par la 14 e section du parquet de Paris.
David Courtailler , converti à l'islam, a été condamné le 25 mai 2004, à 2 ans de prison par la 16 e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », dans le cadre du procès dit des « filières afghanes », qui ont permis la formation de « stagiaires » dans des camps en Afghanistan et servi de vivier à des organisations terroristes islamistes.
– Condamnation par le tribunal correctionnel de Paris le 6 juillet 2004 de Karim Bourti et de Ruddy Terranova, à des peines de 6 et 10 mois de prison pour « violences en réunion » pour avoir participé le 21 décembre 2002 à l'agression d'Abderrahmane Dahmane, président de la coordination des musulmans de France, à la sortie de la mosquée parisienne. Ils sont ressortis libres de l'audience après avoir effectué 18 mois de détention provisoire, les 6 et 3 ans d'emprisonnement requis par le parquet, au nom d'une « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », n'ayant pas été retenus.
– Mise en examen de Hassan Baouchi, dont le frère Mustapha Baouchi est le chef d'une cellule française du GICM, de Djemal K., de Djamel Khalid dans le cadre du braquage de distributeurs de automatiques de billets banques en Seine-Saint-Denis en novembre 2004, mélange d'engagement djihadiste et de banditisme.
– Information judiciaire ouverte suite à la tentative de Richard Reid de faire exploser en vol un Boeing d'American Airlines entre Paris et Miami le 22 décembre 2001.
Ouverture le 11 mai 2005 du jugement devant la 14 e chambre correctionnelle du tribunal correctionnel de Paris de 3 hommes soupçonnés d'avoir aidé le terroriste Richard Reid. Il s'agit de Ghulam Mustapha Rama, Pakistanais de 67 ans, d'Hassan El-Cheguer et de Hakim Mokhfi, âgés de 31 et 32 ans, nés à Mantes-la-Jolie, poursuivis pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Interpellés au mois de juin 2002, ils étaient placés en détention provisoire à la prison de Fresnes. 7 ans d'emprisonnement et l'interdiction définitive du territoire ont été requis contre Ghulam Mustapha Rama, et 4 ans d'emprisonnement ont été requis contre Hassan El-Cheguer et Hakim Mokhfi.
– Information judiciaire sur les filières irakiennes, menées par les juges Bruguière, Ricard et Coirre.
Interpellations en Seine-Saint-Denis à la mi-septembre 2005, de 6 hommes placés en garde à vue, suspectés de vouloir organiser une filière d'envoi de djihadistes à destination de l'Irak, puis remis en liberté.
– Mise en examen et incarcération le 17 décembre 2005, de 11 personnes appartenant à un groupe dirigé par Ouassini Cherifi, spécialisé dans le financement de la cause islamiste par des braquages.
– Procès de Rachid Ramda, financier supposé des attentats de 1995 à Paris, ouvert devant le tribunal correctionnel de Paris le 27 février 2006.