Europe occidentale : Un avenir pour le moins inquiétant
Alain RODIER
Alors que la crise économique fait rage, notamment en Europe occidentale, les menaces augmentent de par le monde et plus particulièrement sur le « vieux continent ». Les responsables politiques européens, souvent soucieux de préserver leurs chances de succès en vue des élections à venir, semblent avoir des difficultés à appréhender la mesure des dangers qui s'accumulent. Parfois, ils s'« étonnent » des évènements tragiques qui surviennent ça et là. En réaction, et pour satisfaire dans l'urgence l'opinion publique et les sondages qui en sont soi-disant l'expression, ils prennent alors des « mesures énergiques », en édictant de nouvelles lois et règlements. Etant donnés leur trop grand nombre et leur difficulté d'application, ces derniers sont rarement mis en oeuvre.
Parallèlement, l'héritage humaniste européen qui imprègne ceux qui se targuent d'être les « élites intellectuelles », impose, via la majorité des médias qui n'hésitent pas à transmettre de fausses informations dans la mesure où celles-ci sont croustillantes, ce qui est qualifié de « pensée unique ». Or, celle-ci part du principe rousseauiste que « l'homme est bon et que c'est la société (capitaliste) qui l'a perverti »[1].
Cette ambiance délétère a tendance à neutraliser progressivement les outils défense de la vieille Europe. Si l'on n'y prend garde, cet affaiblissement économique, moral, culturel, politique, militaire et sécuritaire ne peut que provoquer, à terme, l'effondrement des sociétés occidentales menacées de l'extérieur et sapées intentionnellement de l'intérieur par des spécialistes de l'agit-prop.
L'EVOLUTION DU CHAOS MONDIAL
Le printemps arabe devient celui de l'islam radical
Si les dictateurs – et leurs proches – qui étaient en place en Egypte, en Tunisie et en Libye ne suscitent guère la sympathie, il est symptomatique de constater que l'évolution de la situation dans ces pays connaît une dérive de plus en plus inquiétante.
En Tunisie, le seul mouvement politique organisé est le parti Ennahda, classé par les medias qui tiennent à minimiser la menace, de « musulman modéré » à l'image de l'AKP turc. C'est méconnaître les fondements de Ennahda et de l'AKP. Ce sont deux partis islamiques influencés plus ou moins directement par les Frères musulmans égyptiens, dont l'objectif reste l'établissement de pouvoirs intimement liés à la religion musulmane. Leur rêve réside dans le fait de subordonner le politique au religieux et surtout, qu'il n'y ait pas de sursaut populaire qui les oblige à quitter le pouvoir. Tout en se prétendant ouverts à la démocratie, ces deux partis excluent que les autres religions puissent continuer à avoir droit de cité sur les terres qu'ils contrôlent. Aucune autorisation de construction de temple, d'église ou de synagogue n'a été délivrée (et ne sera délivrée dans l'avenir) dans ces pays. Quant à la liberté de changer de religion pour, par exemple, se convertir au catholicisme, mieux vaut ne pas y penser car cela peut coûter la vie aux impétrants.
Si le discours des leaders politiques de ces Etats se fait rassurant, c'est qu'ils ont encore besoin des Occidentaux pour survivre économiquement et politiquement. En Turquie, si l'AKP n'avait pas exprimé ses souhaits d'entrer dans l'Union européenne pour s'attirer la sympathie d'une partie de l'intelligentsia occidentale, il y a belle lurette que les militaires, gardiens de l'héritage laïque de Mustafa Kemal Atatürk, auraient effectué un nouveau coup d'Etat qui aurait renvoyé les dirigeants islamiques du pays à leurs chères études. Mais les généraux turcs savent pertinemment qu'une telle action aurait attiré les foudres européennes sur leur patrie qui aurait alors été mise en quarantaine, ce qui aurait provoqué une crise économique majeure pour le pays. Alors, ils préfèrent se laisser incarcérer sous l'accusation, à priori fantaisiste, de complot (baptisé Ergenekon) ou démissionner en bloc comme l'ont fait les généraux commandant les différentes armées en août 2011. Le pouvoir islamique « modéré » d'Ankara influencé par l'imam Fethullah Gülen est en train d'installer progressivement et discrètement une forme de dictature, ce qui ne semble pas particulièrement émouvoir l'Europe qui se serait scandalisée d'un coup d'Etat militaire. Si de hauts gradés sont en prison, ils y ont été rejoints par des journalistes, des avocats, des Kurdes et des intellectuels qui ont eu le tort d'exprimer trop vivement leur opposition à l'AKP. Les chiffres varient mais la rumeur fait état de 8 000 prisonniers politiques. Ce parti ne supporte pas d'être critiqué et son vernis démocratique n'a servi qu'à atteindre les plus hautes marches de l'Etat.
C'est d'ailleurs le constat que l'on peut faire avec de nombreuses dictatures : leurs représentants sont souvent arrivés au pouvoir après des élections jugées régulières. Ensuite, ils s'y sont accrochés par la répression.
En Egypte, l'armée est le rempart naturel à l'intégrisme islamique représenté par les puissants Frères musulmans qui sont concurrencés par des mouvements salafistes, – principalement par le parti Al-Nour – encore plus extrémistes qu'eux. Que les militaires soient évincés du paysage politique et cette grande nation tombera progressivement dans l'obscurantisme où la liberté individuelle sera inexistante.
L'avenir de l'Egypte semble aujourd'hui tout tracé : suites aux élections qui ont donné la majorité (37% des voix) au Parti justice et liberté (PLJ) – la représentation politique des Frères musulmans -, suivi de Al-Nour (24,3%), ce pays va devenir à terme une théocratie sunnite comme l'Iran l'est pour les chiites.
Un fait divers symptomatique vient d'être « découvert avec étonnement » par nos medias : une journaliste a été agressée sexuellement par des manifestants qui vilipendaient l'armée place Tahrir. Bien sûr, les coupables ne sont pas connus mais certains ont laissé entendre qu'il s'agissait des personnes « en civil ». Il s'agit probablement pour la presse de semer le doute dans l'esprit du public : cet acte odieux ne peut être que l'ouvrage de membres de forces de sécurité ou de repris de justice relâchés, les « gentils révolutionnaires » étant bien incapables d'adopter de tels comportements ! Suite à cet évènement, personne n'a publiquement posé la question du statut de la femme dans le monde musulman. Un tel aveuglement est proprement sidérant et promet bien de nouveaux « étonnements » dans l'avenir.
En matière d'intoxication ou d'« oubli volontaire » de diffusion d'informations gênantes, un parallèle peut être fait avec la Libye et l'ignominieux lynchage de Kadhafi sur lesquels les medias officiels européens sont peu revenus. Comme dans d'autres cas, les journalistes auraient pu se demander pourquoi les nouveaux dirigeants libyens n'ont pas arrêté ces meurtriers pour les traduire en justice. Le nouveau pouvoir y aurait trouvé une légitimité sur la scène internationale, même si des circonstances atténuantes auraient pu être trouvées aux assassins.
Pour la Libye, il semble que le mal est fait. Le Conseil national de transition (CNT), qui n'a aucune autorité réelle sur les différents chefs de guerre, ne va pas parvenir à maintenir l'unité du pays. La libanisation de cet Etat semble inéluctable avec comme seule force constituée les islamistes qui rêvent d'une révolution à la mode talibane. Celle-ci est tout à fait envisageable dans l'avenir car les tribus qui contrôlent leurs régions d'origine – et en particulier les Berbères -, n'ont aucune intention de se laisser faire. Les armes et les combattants prêts à en découdre étant nombreux, le spectre de la guerre civile se profile donc à l'horizon.
Un fait semble certain : quoique l'Occident ait pu faire, les pouvoirs aujourd'hui en place au Maghreb[2] et en Egypte ne lui seront pas aussi favorables que par le passé. Ils peuvent même devenir hostiles, d'autant que l'Occident est accusé d'avoir soutenu depuis des lustres les despotes corrompus qui sont tombés, ce qui est loin d'être entièrement faux.
Les candidats des partis islamiques sont souvent élus pour deux raisons : ils apparaissent comme honnêtes, voire vertueux, et ils mènent depuis des années des actions caritatives très importantes en direction des plus démunis. Ils en ont les moyens car ils bénéficient de nombreux financements qui proviennent discrètement d'Arabie saoudite et des pays du Golfe persique. Il serait peut-être utile d'en prendre de la graine en Occident, bien sûr sans tomber dans l'excessif : « les politiques, tous pourris ». L'exemple de Robespierre est encore présent dans les livres d'Histoire. Il est vrai que sur la fin, le « vertueux » est devenu une sorte de psychopathe qui voyait des ennemis de la République partout, qu'il convenait de « raccourcir » au sens littéral du terme.
Une partie des populations qui ont cru dans la révolution arabe va vite déchanter car les libertés auxquelles elle aspirait vont rapidement être confisquées par les islamistes radicaux. D'ailleurs, la notion même d'« islamiste modéré » dont il est question en permanence est un concept médiatique destiné à rassurer l'opinion publique. Or, un « islamiste modéré » est tout simplement un musulman qui ne respecte pas strictement les règles de l'islam.
Les désenchantés qui refusent l'application de la charia, avec tout ce qu'elle implique comme horreurs, peuvent très bien penser un jour que leur seul salut est dans l'exil. De plus, l'effondrement économique qui va frapper ces pays en raison de la méfiance des Occidentaux à l'égard de leurs nouveaux dirigeants, va également accroître les départs de nombreux laissés pour comptes. Les terres d'accueil les plus proches sont situées en Europe occidentale. Il est donc logique que l'Europe assiste à un afflux massif d'une immigration non choisie.
Une dernière remarque, et non des moindres : un « arc sunnite radical » est en train de se constituer sous la houlette de l'Arabie saoudite et des Etats du Golfe persique. Le bras idéologique de ce mouvement est mis en œuvre par les Frères musulmans. Cet arc englobe l'ensemble du Maghreb, l'Egypte, la Turquie, et peut-être ultérieurement, la Syrie. Il a pour but de s'opposer à la création d'un « arc chiite » emmené par l'Iran qui regroupe actuellement le Liban, la Syrie, éventuellement l'Irak après le départ des troupes américaines et le nord du Yémen (le Bahreïn y a échappé de peu). On retrouve là la vieille opposition Riyad-Téhéran. Le rôle du Qatar dans cette affaire serait utile à examiner de près.
Une précision toutefois, Al-Qaida a rompu, il y a de longues années, avec les Frères musulmans car ces derniers ont prôné la prise du pouvoir par des voies pacifiques, alors qu'Oussama Ben Laden et le docteur Ayman al-Zawahiri ne voulaient entendre parler que de guerre sainte.
La poudrière iranienne
Bien qu'ayant pris le train en marche, Téhéran a tenté de jouer un rôle important mais discret dans les révolutions arabes. Comme cela a été vu plus avant, le but actuel de l'Iran consiste à contrer l'influence exercée par l'Arabie saoudite, son rival de toujours. Pour cela, Téhéran a soutenu sans grand succès la révolte des populations chiites (majoritaires) au Bahreïn, la rébellion des tribus (également chiites) al-Houti au nord du Yémen et a tenté d'infiltrer les mouvements de contestation en Egypte. La présence des Iraniens est moins visible au Maghreb, mais il fait peu de doutes que les services de renseignement de Téhéran (Vevak) y sont très présents, surtout via la diaspora libanaise.
Ne respectant pas les règles en vigueur dans le monde dit « civilisé »[3], les Iraniens agissent comme bon leur semble sans tenir compte de l'opinion internationale.
Il faut reconnaître que la République islamique iranienne bénéficie de la complicité de nombreux alliés dont le pouvoir de nuisance est latent mais craint. Ainsi le Hezbollah libanais peut à tout moment mettre le Liban à feu et à sang. Les armes fournies par son mentor (missiles en tous genres) font peser une menace importante jusqu'au cœur même de l'Etat hébreu. Ses réseaux étendus de par le monde, en particulier sur le continent africain et en Amérique latine, sont en mesure de déclencher des actions terroristes à la demande. Sur ce dernier continent, Téhéran a trouvé un allié de poids en la personne du bouillant chef d'Etat vénézuélien Hugo Chavez dont l'antiaméricanisme primaire semble lui faire oublier tout esprit de mesure ; mais il est vrai que c'est plus le problème de Washington que celui de l'Europe.
Les mouvements palestiniens sunnites Hamas et Djihad islamique qui sont discrètement épaulés par Téhéran, sont également redoutables pour Israël, particulièrement dans le domaine du terrorisme. A noter que Tel-Aviv doit faire de plus en plus face à une menace venant du Sinaï. A savoir que des activistes égyptiens y sont présents et pourraient faire la jonction avec leurs homologues palestiniens.
Bien sûr, le risque latent que fait peser l'accession probable de l'Iran à l'arme nucléaire dans les années à venir[4] est gravissime. Ce n'est pas tant la détention de l'arme atomique par les mollahs qui inquiète – encore que… -, mais le fait que cela devrait pousser tous les pays de la région, assez riches pour cela, à acquérir à leur tour la bombe. La prolifération augmenterait les risques d'incidents pouvant dégénérer d'une manière dramatique.
Une petite pensée pour la Syrie, grand pays à majorité sunnite (70% de la population) mais allié de Téhéran. Quoique puissent espérer les médias, le régime de Bachar al-Assad n'est pas près de tomber car il reste aidé par l'Iran, la Russie[5] et par la Chine.
L'opposition syrienne agit en ordre dispersé, globalement répartie entre les « laïques » de l'opposition intérieure, le Conseil national syrien (CNS), basé à l'étranger et dirigé par les Frères musulmans, et les islamistes de la très mince Armée libre de Syrie (ALS) du colonel Riad al-Assad, également proche des Frères musulmans et soutenue par le pouvoir turc.
Le Pakistan sur la voie du chaos
Cela amène naturellement à se poser la question du Pakistan, nation islamique détentrice d'une force de frappe nucléaire conséquente. La rupture avec les Américains semble être sur le point d'être consommée, surtout suite à la bavure commise par l'OTAN le 26 novembre, au cours de laquelle au moins vingt-huit militaires pakistanais ont trouvé la mort.
Si le pays est incontrôlable de l'extérieur – ce qui est tout à fait logique et justifié car le Pakistan est un grand Etat indépendant – par contre il devient progressivement totalement incontrôlable de l'intérieur, ce qui est extrêmement inquiétant. Le Président Ali Zardari n'a pratiquement plus de pouvoirs[6] et risque d'être rapidement poussé vers la sortie. Le gouvernement est impuissant face à l'armée et aux services secrets qui, pour leur part, n'ont plus de prise réelle sur des groupes extrémistes armés qui sont présents, non seulement dans les zones tribales voisines de l'Afghanistan, mais aussi dans une grande partie du pays, particulièrement au Baloutchistan.
Le chaos guette donc ce pays, avec comme conséquence possible la déstabilisation totale de la région, et pourquoi pas, une guerre ouverte avec l'ennemi de toujours : l'Inde. Personne n'est aujourd'hui capable de prédire où cela pourrait se terminer entre ces deux Etats détenteurs de l'arme nucléaire. Une guerre secrète a actuellement lieu entre les deux pays, d'une part au Cachemire indien, et d'autre part en Afghanistan. En effet, Islamabad est littéralement obsédé par la théorie de l'encerclement et tente par tous les moyens d'empêcher New Delhi de développer ses relations avec le gouvernement d'Hamid Karzaï. La bienveillance d'Islamabad vis-à-vis des taliban afghans paraît donc dictée par des soucis de politiques intérieure et extérieure.
Al-Qaida en pleine déconfiture ?
La seule bonne nouvelle de la fin 2011 réside dans le fait qu'Al-Qaida central n'a pas réussi à « digérer » la mort de son leader charismatique, Oussama Ben Laden. Si, sur le plan opérationnel, il ne dirigeait plus rien personnellement, les différentes factions qui composent la nébuleuse trouvaient encore dans sa personne le symbole leur permettant de rester relativement unies sous une même bannière
Le docteur Ayman Al-Zawahiri qui a pris la relève n'a pas l'envergure nécessaire pour assurer la continuité. De plus, les recrues potentielles ont tendance à rejoindre les activistes sunnites qui participent au « printemps arabe » car les objectifs d'Al-Qaida commencent à leur sembler irréalistes. Tout observateur impartial se rend bien compte qu'Al-Qaida a déclenché de nombreuses violences qui ont fait une majorité de victimes au sein des populations civiles musulmanes. De plus, ces actions terroristes n'ont fait qu'attirer les foudres de l'Occident en général et des Etats-Unis en particulier, sans apporter de succès concrets.
Par contre, les mouvements politiques inspirés par les Frères musulmans sont maintenant les grands gagnants des élections en Egypte, en Tunisie, au Maroc et demain en Libye, avec la bénédiction de l'Occident ! En conséquence, chaque groupe mène désormais dans son coin ses propres combats avec des objectifs à court et moyen termes. La vision internationaliste d'Al-Qaida, avec la création d'un califat mondial à la clef, est en train de s'estomper. Bien sûr, cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas ici ou là des attentats revendiqués par Al-Qaida, mais il s'agira alors des derniers soubresauts de la bête qui meurt. Le danger provient d'ailleurs plus de « loups solitaires » qui se sont imprégnés de l'idéologie d'Al-Qaida sur le net. Heureusement, leur professionnalisme en matière de techniques terroristes reste limité malgré les instructions qu'ils ont pu glaner sur la toile.
L'augmentation des prises d'otages survenues dans la zone saharo-sahélienne ne s'explique que par le lâchage par les chefs locaux, non seulement d'Al-Qaida central, mais aussi de leur propre hiérarchie implantée à l'est d'Alger. Sachant qu'ils n'ont plus rien à espérer du côté des zones tribales pakistanaises ou d'Abdelmalek Droukdel, le chef d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), les katibas rivalisent d'activité pour tirer un maximum d'argent et d'influence dans la région. Certaines ont été renforcées par l'apport de combattants et d'armes en provenance de Libye. Preuve de cet éclatement : les huit derniers otages enlevés en octobre et novembre 2011 seraient aux mains de katibas jusqu'alors inconnues. L'une, qui a enlevé les deux Français le 24 novembre au Mali[7], serait dirigée par un Touareg malien, Abdelkrim Taleb. L'autre unité, qui s'en est pris à trois humanitaires (deux Espagnols et une italienne), le 23 octobre, dans un camp de réfugiés sahraouis près de Tindouf, en Algérie, serait une dissidence d'AQMI appelée Jamat tawhid wal jihad fi gharbi Ifriqqya (Mouvement unité pour le jihad en Afrique de l'Ouest). Elle est soupçonnée avoir des liens avec le Front Polisario.
Enfin, il est possible que les tribus touaregs ne trouvent pas leur compte dans les nouveaux évènements et ne finissent par s'opposer aux katibas d'AQMI mais aussi aux gouvernements en place.
La situation est donc de plus en plus explosive dans cette région qui est également très fréquentée par les organisations criminelles. En effet, cette zone géographique est un carrefour pour tous les trafics se dirigeant vers l'Europe depuis l'Amérique latine, l'Afghanistan et l'Extrême-Orient. On note aussi une interconnexion de plus en plus grande entre les katibas d'AQMI et les groupes purement criminels. C'est ainsi que les preneurs d'otages sont souvent des criminels de droit commun qui « revendent » leurs prises à AQMI.
L'inquiétude réside aussi dans le fait que l'insécurité pousse de plus en plus vers le sud, la jonction entre des forces d'AQMI et les islamistes de la secte Boko Haram nigériane étant maintenant réalisée.
Plus à l'est, la Somalie et le Yémen restent de lieux de djihad privilégiés pour les combattants internationalistes issus d'Al-Qaida. Toutefois, les Shabaab somaliens[8], qui comptent quelques centaines de combattants internationalistes, sont aujourd'hui sur la défensive face aux troupes et milices du Gouvernement fédéral de transition (GFT) épaulées par les forces de maintien de la paix de l'Union africaine (AMISOM) et surtout celles venues du Kenya[9] et d'Ethiopie.
La situation aussi très préoccupante au Yémen, des groupes se revendiquant d'Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQAP[10]) s'étant emparés de zones situées au sud du pays. Il est d'ailleurs possible que des combattants internationalistes d'Al-Qaida, vétérans d'Afghanistan, d'Irak et de Tchétchénie, ne soient en train de rejoindre le Yémen où leur lutte a encore des chances d'aboutir.
Les Américains ne restent pas inactifs au Yémen et en Somalie. Ils y multiplient les opérations secrètes dirigées contre des responsables terroristes.
LA REVOLTE GRONDE AUSSI A L'INTERIEUR DE L'EUROPE
La crise économique laisse les dirigeants politiques européens désemparés
Ce tous d'horizon serait bien incomplet si la menace que connaît actuellement l'économie mondiale n'était pas évoquée, au moins sommairement.
Ce qui frappe les observateurs non spécialistes de la chose, c'est que les dirigeants politiques paraissent aujourd'hui complètement désemparés par les difficultés économiques et financières qui s'accumulent. Toutes les négociations engagées aboutissent à de grandes déclarations qui ne sont pas ou peu suivies d'effets concrets. L'explication paraît simple : la marge de manœuvre dont ils disposent est quasi inexistante.
De leur côté, les administrés sont bien conscients de la réalité de la crise et qu'il convient de faire des sacrifices. Toutefois, ces derniers ne sont acceptables que lorsque ce sont les autres qui y sont soumis ! « Il faut faire payer les riches » devient un slogan récurrent. Le problème réside dans le fait de savoir à partir de quel niveau de revenus l'on peut être considéré comme « riche » : c'est généralement juste au dessus du niveau du sien …
Enfin, trop pressurer fiscalement les entrepreneurs productifs de richesses et d'emplois risque d'avoir des conséquences économiques désastreuses en matière de chômage en Europe, ces derniers n'hésitant alors plus à délocaliser sous des cieux plus cléments ou a mettre la clef sous la porte.
Quant à l'utopique mesure qui consiste à recruter de nouveaux fonctionnaires, elle se heurte à la question simple : comment les payer alors que les caisses de l'Etat sont vides et qu'il a du mal à emprunter !
En fait, il ne s'agit pas d'une « crise » car une crise a toujours une fin. C'est un bouleversement gigantesque de l'économie mondiale. Il va bien falloir apprendre à vivre (survivre ?) avec. En clair, le niveau de vie des citoyens va baisser en raison de l'augmentation inévitable des impôts, de l'inflation qui va s'accélérer et de la diminution progressive des revenus du travail et du capital.
Les professionnels de l'agit-prop à la manœuvre
En raison de la crise économique, la révolte gronde sourdement sur le vieux continent, et plus seulement au sein des populations les plus défavorisées. Le slogan « indignez-vous » est en train de se transformer peu à peu en « révoltez-vous ». Il est repris en sous main par les professionnels de l'agit-prop dont les tendances anarchistes sont bien connues des services spécialisés. Leur mot d'ordre est de détruire la société. Il sera ensuite temps pour eux de voir ce qu'il convient ensuite de reconstruire sur les ruines qu'ils auront provoquées. Les professionnels de la révolution enfourchent des thèmes mobilisateurs : l'immigration, la lutte contre le racisme et l'islamophobie, la sortie du nucléaire, la repentance contre le passé colonialiste et esclavagiste de l'Europe en général et de la France en particulier, les inégalités sociales, l'immoralité des politiques[11], etc.
La culpabilisation constante de leurs adversaires est une méthode élevée au rang de système. Pour eux, leurs opposants ne sont que des « racistes, des fascistes, des nauséabonds, des malades mentaux » voire, dans le pire des cas, des « néo-nazis ». Selon leurs conceptions, ils ne méritent que d'être enfermés dans des camps de rééducation ou des asiles psychiatriques, voire pire. Comme le disait Saint-Just, un des mentors de la révolution française : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Cela sent à plein nez de futurs tribunaux révolutionnaires à la Pol Pot. Il est vrai que nombre de cadres Khmers rouges ont fait leurs humanités dans notre douce France où certains auraient même fréquenté le Parti communiste français et la CGT. Est-il utile de rappeler que de nombreux intellectuels ont applaudi l'arrivée des Khmers rouges au pouvoir ? Cela prête à réfléchir avec l'évolution actuelle de la situation au Maghreb, en Libye et ailleurs…
Le problème réside dans le fait que les professionnels de la révolution sont suivis par des intellectuels et des journalistes qui ont été plongés depuis leur plus tendre enfance, dans le chaudron du marxisme-léninisme, héritage de mai 68 oblige. N'a-t-on pas dit de la France que c'était le seul pays de « l'URSS qui avait réussi » ?
Collusion entre les activistes d'extrême-gauche et les radicaux islamistes
Ayant du mal à recruter leurs militants au sein des couches populaires qui vivent en périphérie des grandes villes et qui sont confrontée aux réalités du chômage, de la pauvreté et de l'immigration au quotidien, les révolutionnaires tournent leurs regards vers les « minorités visibles ». Sentant le bon filon, ils soutiennent les combats de celles-ci sans vraiment réaliser que leurs convictions d'extrême-gauche sont abhorrées par les courants islamistes radicaux. Toutefois, certains imams autoproclamés se servent de ces « idiots utiles » comme le disait Lénine, pour étendre leur influence au sein des jeunes générations issues de l'immigration. Leur objectif est simple : influencer ces populations afin de créer des groupes de pression de plus en plus importants qui imposeront progressivement leurs vues. Ils savent que cette conquête prendra beaucoup de temps, plusieurs générations si nécessaire. Le temps n'a pas la même signification pour eux que pour les Occidentaux qui vivent dans l'instant présent ou le futur proche. De toutes façons, les chiffres sont éloquents : si la courbe des naissances continue sur sa lancée actuelle, les musulmans seront majoritaires en Europe dans quelques dizaines d'années. Tout dépendra alors de l'état d'esprit des générations futures : laïcité ou application des règles de l'islam ?
Ce qui est certain dans l'esprit des islamistes radicaux, c'est que les « idiots utiles » qui les soutiennent devront un jour, soit se convertir (partant du principe qu'un converti reste toujours un musulman de seconde zone), soit disparaître. En effet, leur morale islamique ne supporte pas ce que les libertaires prônent ou acceptent (liberté sexuelle, usage de drogues, etc.). En effet ces déviances sont considérées comme des crimes contre la religion. La seule chose qu'ils partagent, c'est la haine de la démocratie réelle, pas celle dont ils parlent en permanence. Cette dernière n'est que l'imposition par la force s'il le faut, de la domination de leurs idées sur l'ensemble de la société.
La criminalité profite de la crise mondiale
Les bandes criminelles locales et étrangères profitent de l'ambiance délétère pour accroître leurs activités en s'affranchissant des derniers « codes d'honneur » – si on peut parler d'honneur dans ce domaine – qui étaient de mise dans le milieu « traditionnel ». Les malfrats n'hésitent plus à faire usage d'armes de guerre pour des profits parfois ridicules. Plus grave encore, « se faire un flic » est devenu un mot d'ordre très prisé au sein de la petite voyoucratie. Cela devient quasiment un passage obligé pour monter dans la hiérarchie du crime, exactement comme le passage par la « case prison » fait partie intégrante du rite initiatique du truand qui a de l'ambition.
Au milieu de tout cela, les puissantes Organisations criminelles transnationales (OCT) prospèrent et en profitent pour étendre leurs tentacules, utilisant la crise actuelle pour investir un peu plus l'économie légale tout en recrutant de nouveaux hommes de main. La liste des volontaires est longue car l'argent facile a toujours beaucoup attiré.
A terme, le sinistre exemple mexicain, où les cartels de la drogue contrôlent par la terreur la plus abjecte des provinces entières du pays, peut fort bien s'étendre à Europe. A ce rythme, ce sont des Etats entiers qui risquent de tomber aux mains du crime organisé.
Les conséquences directes sur la vie publique peuvent être dramatiques. Le sentiment d'insécurité déjà très prononcé chez la majorité des citoyens, va encore s'aggraver. Les zones de non droit s'étendent, n'épargnant plus aucun quartier, même les plus cossus ou reculés. La peur est en train de devenir le sentiment dominant, bien avant la crainte du chômage ou de la maladie. Or, ce sentiment de terreur est néfaste à la vie économique légale car les investisseurs hésitent à se lancer dans des opérations financières jugées trop hasardeuses. Les personnes qui auront tout de même le courage de monter leur entreprise industrielle ou commerciale ont de grandes chances d'être confrontées aux organisations de type mafieux qui se livreront à une concurrence déloyale[12]. Elles peuvent être rackettées sous couvert d'« assurances contre tous les dangers qui pourraient se présenter ». La corruption deviendra la règle au sein des administrations et les honnêtes gens en subiront les conséquences. A titre d'exemple, Cosa Nostra a déjà investi les entreprises du bâtiment et de la santé. Si l'on veut se faire bien soigner en Sicile, il vaut mieux avoir le portefeuille bien garni. Cela sera peut-être le cas dans l'ensemble de l'Europe dans un avenir proche.
L'immigration clandestine fait les délices des OCT qui trouvent là de substantiels profits. Tout d'abord, les candidats à l'émigration doivent payer des sommes astronomiques pour effectuer leur périple. Les voyageurs clandestins payent, soit en servant de mules transportant de la drogue, soit en remboursant leurs dettes en travaillant au noir ou en se livrant à la prostitution. Les enfants sont loin d'être exclus du système ! Certaines organisations se servent de leur diaspora pour étendre leurs réseaux ce qui, dans certains cas, provoque des guerres de gangs sanglantes.
En ce qui concerne plus particulièrement l'Europe, toutes les OCT mondiales sont présentes car le gâteau est encore important à partager : les triades chinoises spécialisées dans les trafics d'êtres humains, d'héroïne, de contrefaçons (qui viennent concurrencer d'une manière totalement déloyale le commerce légal) ; les OCT issues des ex-pays d'Europe de l'Est se livrent aussi au trafic d'êtres humains mais introduisent également nombre d'armes de guerre sur le vieux continent. Ces mêmes armes sont de plus employées sur la voie publique et ce n'est pas une législation encore plus restrictive qui y changera quelque chose, les truands n'ayant pas pour habitude de déposer une autorisation d'acquisition et de détention réglementaire auprès des services de police. Il convient d'ajouter à ces organisations criminelles celles issues d'Albanie, de Turquie, du Nigeria, du Vietnam et d'Amérique latine.
Elles ont parfaitement réussi à effectuer la jonction avec leurs homologues italiennes et irlandaises et savent sous-traiter une partie de leurs activités, en particulier la distribution de produits illicites, aux criminalités locales. Pour faire un tour d'horizon complet, il est utile de constater l'extension de plus en plus importante des bandes de motards criminelles.
Face à ces multiples dangers, le vieux monde semble ne plus avoir les ressorts nécessaires pour réagir. Bien au contraire, il paraît vouloir précipiter sa perte en diminuant drastiquement les efforts de défense intérieure et extérieure, mesures d'économies et « politiquement correct » obligent. Paradoxalement, la Russie, l'Inde et surtout la Chine accroissent les budgets destinés aux forces armées et de sécurité. Même l'Australie fait de même…
L'auteur de ces lignes a bien conscience de présenter la situation d'une manière quelque peu pessimiste, mais il est là pour informer de la situation telle qu'il la voit. Dans un passé assez éloigné, un ministre de la République qu'il renseignait sur la situation des intérêts français dans une zone troublée lui demandait : « que devons-nous faire ? », il lui répondait : « je vous informe, vous décidez ». La parole et encore plus l'action sont donc aujourd'hui, plus que jamais, dans les mains des politiques. Aux citoyens de décider ceux qui seront le mieux à même de gérer un avenir qui s'annonce peu favorable. Le peuple de France est bien moins stupide que certains voudraient le faire croire. Il y a longtemps qu'il a compris que les discours démagogiques n'ont pas de « lendemains » qui chantent. Les politiques doivent donc parler vrai et simplement[13], ne pas tenter de séduire l'électorat avec des promesses qu'ils savent pertinemment ne pas pouvoir tenir. L'époque du bling bling et des bisounours a vécu, la situation actuelle n'autorise plus d'échappatoire.
Une pointe d'optimisme tout de même : certains médias, particulièrement anglo-saxons, semblent désormais, vouloir sortir des discours convenus dictés par quelques écoles de pensée (unique). L'Internet y est pour beaucoup même si nombre de bêtises et de contrevérités y circulent aussi. Il suffit d'être vigilant, de tenter de vérifier et de garder son esprit critique ainsi qu'une certaine logique cartésienne.
Enfin, mais est-ce réellement une bonne nouvelle, les puissances émergentes que sont la Chine, l'Inde et la Russie – renaissante et pas émergente dans ce dernier cas -, ont la possibilité de sauver la mise, mais au prix d'un bouleversement mondial. A savoir que ces Etats peuvent investir massivement en Afrique et en Europe occidentale. La puissance financière et industrielle se trouve en effet là. Leurs besoins en matières premières sont gigantesques. Enfin, ces pays ont aussi un besoin crucial de consommateurs extérieurs.
Le problème risque cependant de provenir de l'origine d'une partie des fonds avancés risque d'être plus que douteuse, le crime organisé très développé dans ces pays pouvant trouver là le moyen de blanchir à grande échelle des profits obtenus dans des activités illicites. Un rapport du Global Financial Integrity vient d'ailleurs de souligner qu'entre 2000 et 2009, la Chine avait vu passer 2 000 milliards de dollars illégaux et la Russie 427 milliards de dollars du même acabit ! C'est également pour le crime organisé, une manière d'infiltrer un peu plus l'économie légale.
Enfin, cela relègue l'Europe à un rôle futur de seconde zone. Le « vieux continent » n'est plus le centre du monde. Qui pouvait encore en douter ?
- [1] L'auteur pense plutôt qu'en dehors de tout jugement moral de « bien » et de « mal », l'homme est le plus grand prédateur de la planète. C'est ce qui lui a permis de conquérir le monde en asservissant les espèces animales. Les règles édictées par la société l'obligent à adopter un comportement social correct partant du principe que « la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres ». Lorsque ces règles n'existent plus, particulièrement en cas de désordres violents, ses instincts de prédateur reviennent naturellement à la surface.
- [2] Excepté au Maroc où les islamistes du Parti de la justice et de développement (PJD), bien que théoriquement au commandes suite aux dernières élections, sont actuellement bien contrôlés par le roi.
- [3] Cf. le saccage de la représentation diplomatique britannique à Téhéran en novembre 2011.
- [4] Grâce aux opérations secrètes menées par le Mossad, Israël serait parvenu à retarder le développement de l'arsenal nucléaire iranien. La date fatidique de l'accession à la « bombe » se situerait désormais aux alentours de 2015.
- [5] Moscou, tout en estimant que des violences étaient imputables au régime, a tout de même fourni, fin 2011, une première batterie mobile de missiles antinavires de défense côtière Iakhon, afin d'interdire toute intervention militaire étrangère par la mer.
- [6] Dont celui du feu nucléaire qui a été transféré au Premier ministre Youssouf Raza Gilani qui est son ennemi intime.
- [7] Elle semble également avoir enlevé les trois touristes britannico-sud-africain, suédois et néerlandais à Tombouctou, le 25 novembre.
- [8] Mouvement qui s'appelle, depuis la fin 2011, Imaarah Islamiya (« Autorité islamique »).
- [9] Qui, pour être présentables, ont été intégrées dans l'AMISOM.
- [10] Egalement rebaptisé Ansar al Jihad(« L'armée de la guerre sainte »).
- [11] Il est d'ailleurs frappant de constater que les « affaires Strauss-Kahn » sont reprises très largement sur des sites d'extrême-gauche ou apparentés.
- [12] Une entreprise en odeur de mafia possède trois avantages sur ses concurrentes légales : elle peut bénéficier de l'apport de capitaux – criminels – illimités ; elle n'a pas de problèmes avec ses employés ; la concurrence proche peut être « découragée » par des incidents divers et variés.
- [13] Il serait intéressant de savoir ce que la majorité des Français comprend aux termes : « développement durable, actes citoyens, retour aux fondamentaux, synergie des mécanismes, etc. ». Quant au jargon des spécialistes, il est réservé… aux spécialistes de la même obédience !