Espionnage dans l’US NAVY
Alain RODIER
Le Lieutenant Commander (capitaine de corvette) Edward C. Lin, un officier de l’US Navy âgé de 39 ans, qui était sous surveillance depuis mars 2015, a été appréhendé en septembre de la même année. Mis aux arrêts dans le centre de détention militaire NAVCONBRIG de Cheasepeake, il est soupçonné de s’être livré à des actions d’espionnage au profit de Taiwan et peut-être de la République populaire de Chine. L’enquête en cours est menée conjointement par le Federal Bureau of Investigation (FBI) et le Naval Criminal Investigative Service (NCIS). L’officier est aussi accusé d’avoir violé le « bon ordre et la discipline militaire » en ayant eu des relations sexuelles tarifées et extraconjugales. Il aurait loué les services de prostituées, action interdite aux militaires américains en activité. Il ainsi est passible de la cour martiale. Il n’aurait pas été remis à la justice civile comme cela est généralement l’usage en la matière, de manière à être maintenu au secret – ce que permet le code militaire – afin à ce qu’il ne puisse communiquer avec l’extérieur et ses commanditaires supposés.
D’origine taïwanaise, Edward C. Lin émigre avec ses parents vers les Etats-Unis alors qu’il a 14 ans. Il s’engage dans la Navy en 1999 1, puis suit une formation d’officier dont il sort diplômé en mai 2002. En 2004, il est affecté dans un escadron de reconnaissance aérienne de l’US Naval Aviation, à Whidley Island, chargé de la surveillance maritime de la côte ouest des Etats-Unis, du Pacifique et de l’océan Indien jusqu’aux côtes orientales du continent africain. Trois ans plus tard, il rejoint Honolulu. Il sert notamment à bord du porte-avions Eisenhower. Il est naturalisé citoyen américain en 2008. Il est ensuite diplômé d’état-major au collège de guerre navale de Newport (2010-2012). De 2012 à 2014, il sert comme officier de liaison au sein du bureau de l’assistant du Secrétaire de la marine chargé des affaires financières.
Selon l’acte d’accusation, au moment des faits qui lui sont reprochés, le suspect servait au sein du Commander Patrol and Reconnaissance Group (CPRG) qui assure des missions de surveillance et de renseignement maritime. Surpris en train de tenter de s’échapper à bord d’un vol civil, il est renvoyé aux Etats-Unis en mars 2015.
Parlant couramment le mandarin qui est sa langue maternelle, il était affecté au Special Projects Patrol Squadron Two « Wizards » (VPU-2) à Hawaï, doté d’avions EP3-E Aries II. Leur mission, semblable à celle effectuées par les P-3C Orion, consiste à relever les signatures électroniques des navires de surface et des sous-marins. Les techniques employées sont hautement confidentelles car leur divulgation permettrait à un adversaire éventuel de concevoir des contre-mesures efficaces.
Les autorités américaines restent actuellement très discrètes sur cette affaire 2 et il sera nécessaire d’attendre le procès pour en connaître les tenants et les aboutissants. Le fait que l’officier fréquentait des prostituées – ce qui est rigoureusement interdit dans les forces armées américaines – laisse penser qu’il a peut-être été piégé par un (ou des) service(s) qui aurai(en)t utilisé la compromission pour le coincer. Les « hommes de l’art » décrivent les leviers qui permettent de recruter un agent par l’acronyme MICE (Money, Ideology, Compromission, Ego). Il est généralement nécessaire d’exploiter plusieurs de ces motivations en même temps pour parvenir au recrutement. Il convient maintenant de découvrir comment l’affaire s’est déroulée, quels services sont impliqués et quels ont été les renseignements fournis.
- Les étrangers ayant le statut de résident permanent ou les titulaires de la Green Card (permis de travail sans restriction de temps) peuvent s’engager dans l’armée américaine. Depuis 2009, cette mesure a été étendue aux immigrés très qualifiés bénéficiant d’un visa provisoire. ↩
- Ni l’identité de l’officier, ni celle de son avocat n’ont été officiellement divulguées. ↩