L’embrasement du Caucase
Alain RODIER
Le 24 février 2007, les forces spéciales russes ont attaqué une maison abritant des activistes islamiques près du village de Piervii Kizliarskii au Daguestan (république appartenant à la Fédération de Russie située à l’est de la Tchétchénie). Après plusieurs heures de combats, l’édifice a été investi et deux cadavres ont été découverts. Selon le FSB (service de sécurité intérieur russe), les occupants de cette maison appartenaient au bataillon Nogaï commandé par le colonel Tahir Batayev. Ce dernier a été nommé le 30 septembre 2006 comme le responsable du front nord-est par Dokou Khamatovich Oumarov, le nouveau président rebelle de la république tchétchène d’Ichkerie. En effet, Oumarov qui a succédé à Abdul Kalim Sadoulayev tué par les forces spéciales russes le 17 juin 2006, avait alors réorganisé en profondeur son dispositif militaire. Le supérieur hiérarchique de Batayev est le brigadier-général Rabbani Khalilov qui commande toutes les unités insurgées du Daguestan.
Les Nogaïs, aussi appelés les Caucasiens mongols, sont une ethnie de langue turque établie au Daguestan. Leur nom provient du prince Nogaï qui est l’un des arrières petit-fils de Gengis Khan. Dans l’Histoire, les « hordes Nogaïs » ont défrayé la chronique par leur agressivité en tant que cavaliers. Depuis 2003, le bataillon Nogaï a été engagé contre les forces russes dans d’audacieux coups de main. La majorité des Nogaïs est wahhabite.
Pour cesser le combat, Oumarov exige que toutes les forces russes se retirent de l’ensemble du Caucase et qu’un gouvernement islamique y soit établi. Pour lui, il est hors de question de négocier avec les dirigeants régionaux, Daguestanais compris (il qualifie ces responsables mis en place avec le soutien de Moscou, de « marionnettes »).
Le conflit tchétchène s’est donc bien étendu à l’ensemble du Caucase. Ce qui pourrait être considéré comme une force des rebelles est en fait un aveu de faiblesse. En effet, la Tchétchénie est aujourd’hui étroitement contrôlée par le nouveau président Ramzan Kadirov, qui a prêté serment le 5 avril 2007, grâce au soutien actif du président Vladimir Poutine . Il succède à Alu Alkhanov qui a démissionné de son poste à la fin février. En fait, ce dernier n’était qu’un homme de paille qui a permis à Ramzan Kadyrov d’atteindre ses 30 ans, âge requis pour occuper les fonctions de président de Tchétchénie. La veille de son investiture, il a personnellement annoncé la mort du commandant rebelle, le brigadier-général Suleiman Imurzayev – alias Khairula – à qui est attribué l’assassinat du président Akhmad Kadyrov (le père de Ramzan) le 9 mai 2004.
Pourchassés chez eux, les activistes tchétchènes se sont répandus dans les républiques voisines où ils ont rallié à leur lutte un certain nombre d’activistes islamiques locaux. Cependant, étant donné leur faiblesse opérationnelle actuelle, il est vraisemblable qu’ils se tournent à nouveau vers le terrorisme, activité moins coûteuse et plus aisée que la guérilla. Il faut donc s’attendre à la multiplication d’attentats dans l’ensemble du Caucase, voire en Russie, les rebelles tchétchènes voulant peser de tout leur poids à l’occasion des élections présidentielle prévues pour 2008.