Colombie : le pays des otages
Alain RODIER
En Colombie, les groupes criminels et les guérillas développent une véritable « industrie de l’enlèvement », car cette activité se révèle très lucrative. Cependant, une baisse significative est survenue en 2004 avec seulement 1 100 cas recensés contre 2 300 de 2003. Cette réduction est à prendre avec précaution, de nombreuses familles d’otages ne rendant pas compte de ces faits aux autorités afin de négocier directement avec les ravisseurs.
Le trafic d’êtres humains est également très développé. Les experts estiment que 50 000 Colombiens, dont beaucoup de mineurs, sont exploités sexuellement à l’étranger, principalement en Espagne, aux Pays-Bas et au Japon. Le racket quant à lui, est une véritable institution nationale.
La Colombie détient le record mondial du nombre d’homicides par rapport au nombre d’habitants (45 meurtres pour 100 000 habitants en 2004). Experts dans l’horreur, les criminels colombiens ont innové en 2003/2004. En effet, un certain nombre de leurs victimes ont été étouffées avec des sacs plastiques, alors que leurs mains étaient liées dans le dos. En 2003, rien qu’à Barranquilla, les autorités ont dénombré 772 homicides.
Les guérillas marxistes présentes en Colombie se sont fait une réputation justifiée de preneurs d’otages. Leurs activités ne limitent pas à cela puisqu’elles utilisent la drogue, la prostitution, le vol pour subvenir à leurs besoins depuis l’arrêt de l’aide extérieure qui a suivi la fin de l’empire soviétique. Le gouvernement du président Alvaro Uribe a accepté de tenter de négocier la libération de 59 otages (dont Ingrid Betancourt prisonnière depuis le 23 février 2002) en échange de la libération de 500 de leurs militants actuellement détenus dans les prisons du pays. Afin de pouvoir négocier, le pouvoir en place à Bogota a accepté de démilitariser une zone de 180 kilomètres carrés dans le sud-ouest sous contrôle international et la supervision de la Croix rouge.
La guerre civile dans le pays andin, débutée en 1964, a fait plus de 200 000 morts et provoqué le déplacement de 2 millions de personnes : Une zone démilitarisée de 42 000 km2 (superficie de la Suisse) a été accordée à la guérilla en 1998 pour en faire un « laboratoire de paix ». Les négociations ayant échoué en 2002, la guerre a repris avec encore plus d’intensité.
Les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie/FARC
Les FARC sont commandées depuis 1964, date de leur création, par Manuel Marulanda alias « Torofijo ». Son adjoint est Jorge Briceno. Le chef opérationnel est Luis Edgar Devia, alias Raul Reyes, qui apparaît régulièrement dans les media. Ses effectifs sont estimés à environ 17 000 hommes.
De 1998 à 2005, ce mouvement a gagné environ trois milliards de dollars uniquement issus du trafic de drogue. Cependant, sa première ressource financière provient en fait de l’« industrie des enlèvements ». La deuxième, plus surprenante, du vol de bétail à de grands propriétaires terriens.
Les FARC sont responsables de nombreux massacres de civils dont celui de 119 personnes le 2 mai 2002, dans le village de Bojaya, sur le fleuve Atrato, et de l’attaque particulièrement sanglante du festival floral de Bogota, le 7 août 2004.
Les fonctionnaires qui s’opposent à ce mouvement sont ses cibles privilégiées. Ainsi, Mario Canal, le procureur de Cali a été abattu par balles le 12 novembre 2004. Il enquêtait sur des crimes commis par les FARC. Le 31 décembre 2004, 17 personnes ont été exécutées par les FARC à Puerto San Salvador dans la province d’Arunca frontalière avec le Venezuela. Cette région pétrolifère a connu de vastes opérations d’éradication de coca durant les années précédentes, en liaison avec les Américains. Pour cette raison, les pipelines passant par la région sont souvent la cible de sabotages d’autant que les opérations terroristes se sont intensifiées dans la zone depuis le début 2005.
En effet, les opérations des FARC se sont accrues depuis début février 2005. Ainsi, des dizaines de militaires ont été tués lors d’embuscades tendues dans la région de Puntamayo en mars de la même année.
Cette organisation s’en prend également aux Indiens afin de s’implanter dans la jungle amazonienne. Ainsi, Plinio Piampa, le chef de la communauté de Frontino a été assassiné avec son fils, début novembre 2004. Les FARC avaient déjà enlevé en octobre Efren Pascal, le chef de la communauté des Indiens Awa.
Les prisons où sont incarcérés les militants arrêtés sont de véritables passoires, des évasions en masse à l’aide d’explosifs introduits à l’intérieur même des établissements ont parfois lieu. Il arrive également qu’un détenu s’échappe isolément comme Hernando Buitagro, un haut responsable du mouvement, en novembre 2004.
Actuellement, les FARC sont le seul mouvement qui ne négocie pas avec le gouvernement du président Alvaro Uribe, bien que ce dernier ait fait un geste au début décembre 2004 en libérant 23 militants emprisonnés. Elles essayent plutôt de l’assassiner, quatre tentatives ont été officiellement répertoriées en 2004. Les chances de voir aboutir de nouvelles négociations sont donc infimes. Les FARC détiennent environ 1 600 otages. Elles n’hésitent à collaborer avec des hors-la-loi des pays voisins, comme ceux d’Equateur qui leur fournissent, contre rétribution, des personnes enlevées localement. Les FARC se chargent ensuite de « faire monter les enchères » auprès des familles. Ainsi, Emilio Mettler, un citoyen équato-suisse enlevé en avril 2004, a ensuite été « vendu » aux FARC.
La région frontalière avec l’Equateur – département de Narino – est l’une des plus dangereuse de Colombie, les preneurs d’otages s’y sentant moins pourchassés. Les enlèvements et les meurtres y sont très fréquents. Les FARC montent souvent des barrages sur les routes si bien que toutes les sociétés de bus et de taxis ont décidé de ne plus desservir la côte du Pacifique à partir de Narino.
Depuis l’arrivée d’Alvaro Uribe aux affaires, les forces de sécurité ont redoublé les opérations offensives contre ce mouvement. Ainsi, le 22 novembre 2004, Humberto Valbuena Morales, un haut responsable, a été abattu après quatre années de cavale. Un de ses faits de guerre les plus connus avait été l’attentat contre le club Nogal à Bogota en février 2003. 30 civils avaient été tués. De même, Juvenal Ricardo Palmera alias « Simon Trinidad », le numéro quatre du mouvement a été arrêté en Equateur le 2 janvier 2004 puis a été extradé vers les Etats-Unis le 31 décembre 2004, car il y est réclamé pour trafic de drogue.
C’est également le cas de la responsable financière du 14 e Front : Omeira Rojas Cabrera, alias « commandante Sonia », qui est inculpée pour des charges similaires. Elle est directement accusée d’avoir organisé, en compagnie de Jose Benito Cabrera Cuevas et deux trafiquants de drogue notoires, un trafic de cocaïne à destination des Etats-Unis. Elle est actuellement détenue aux Etats-Unis.
Toujours en décembre 2004, Rodrigo Granda, qui était le représentant des FARC à l’étranger, est enlevé à Caracas au Venezuela. En août 2005, Francisco Antonio Cadena Collazoz, alias le « curé Cemillio Lopez », est arrêté à Sao Paulo au Brésil. Il est considéré comme le représentant des FARC au Brésil. Le 5 novembre 2005, Farouk Shaikh Reyes, alias Mechudo ou Hermes, un trafiquant international qui s’occupait notamment d’échanger de la drogue contre des armes pour le compte des FARC 1 , est appréhendé à l’aéroport international El Dorado de Bogota en provenance de Mexico. Il devrait être extradé vers les Etats-Unis où il est recherché pour trafic de drogue.
Cependant, ces opérations sécuritaires rencontrent souvent de graves difficultés. Ainsi, les 24 et 25 juin 2005, 23 soldats ont trouvé la mort lors d’affrontements sanglants au Nord et au Sud du pays. A la mi-juillet, huit personnes dont six civils sont tués par une bombe cachée sur le bord de la route à proximité de la ville de Valledupar.
Le 1er août 2005, ce sont 14 policiers qui trouvent la mort dans les mêmes circonstances et dans la même région.
Auparavant, après une attaque massive les 22-23 juillet 2005, c’est toute la région de Putumayo qui tombe sous le contrôle des FARC. La situation ne sera rétablie qu’à l’automne.
Toutefois, au même moment, les FARC lancent de grandes opérations au nord-est du pays dans la province d’Arauca. Des pylônes électriques sont détruits, les communications terrestres avec de nombreux villages sont interrompues, de nombreuses installations pétrolière dont le pipeline « Cano Limon-Covenas » font l’objet de sabotages.
Depuis des lustres, les FARC entretiennent des liens avec l’IRA dont certains agents opérationnels sont venus enseigner leurs techniques subversives comme Niall Connolly, James Monagham et Martin McCaulley. Arrêtés en 2004, ils ont néanmoins réussi à fuir le pays.
Afin de se fournir en armements, les FARC échangent de la drogue contre des armes, particulièrement en Amérique centrale. Le prix du fusil d’assaut (M-16 ou AK 47) en état de marche se négocie 3 kilos de cocaïne au Honduras !
Malgré toutes les exactions dont ils se rendent coupables, en particulier l’emploi intensif de mines anti-personnels 2 et la condamnation de massacres par l’ONU – comme celui de 14 fermiers survenu le 24 août 2005 – les FARC attirent cependant la sympathie de nombreux intellectuels marxistes en Europe. Foreningen Oproer, une ONG danoise a même reconnu en 2005, avoir apporté son soutien financier à ce mouvement.
L’Armée de Libération Nationale/ELN
L’ELN est une organisation d’obédience castriste aux effectifs de 5 000 hommes. Ce mouvement qui constitue la deuxième guérilla de Colombie, a connu des revers importants en 2004 avec la capture de responsables importants : Ivan Roberto Rizo Carbarcas à Bogota en octobre 2004, Jesus Ramirez Velez alias « El Viejo » et Osnaider Angel en décembre de la même année.
Cependant, ce mouvement reste très actif particulièrement dans le domaine des enlèvements contre rançon. Il se livre également à des kidnappings dans les pays voisins, en particulier en Equateur où Sandra Calvache, alias « l’indien », un chef de gang spécialisé dans l’enlèvement, a été arrêté à Quito le 27 février 2005. Depuis 1996, l’ELN serait responsable de 20 % du total des enlèvements effectués en Colombie.
L’ELN mène aussi des actions terroristes classiques, particulièrement dans la région d’Arunca. Les autorités ont saisi en mai 2005, 8 000 cartouches de fusil d’origine vénézuélienne dans le nord de la province de Santander, voisine de ce pays. En cette occasion, Luis Cardenas alias « Tutu », le chef local de l’ELN a été appréhendé.
Le 9 juin 2005, le président Alvaro Uribe a proposé un cessez-le-feu à l’ELN qui ne semble qu’attendre cela, étant donné sa situation militaire qui tourne à l’avantage des forces gouvernementales. Depuis 2003, 1 400 activistes auraient déjà déposé les armes. Les négociations se déroulent par l’intermédiaire d’un ancien chef de l’ELN emprisonné (relâché pour l’occasion) : Francisco Galan.
L’Armée Révolutionnaire Guévariste/ERG
L’ERG également appelée ERP (Armée révolutionnaire du peuple) est une faction dissidente de l’ELN. Elle compte quelques centaines de combattants commandés par Olimpio Sanchez « El Cucho ». Elle est surtout présente dans la région de Bolivar au nord du pays.
Les milices d’autodéfense de Colombie/AUC
Les propriétaires terriens ont répondu à la menace représentée par les guérillas d’extrême gauche en utilisant des milices privées telle l’AUC (Autodéfense Unie de Colombie).
A l’origine, l’AUC comptait de 8 000 à 10 000 hommes. Ce mouvement a été créé par Carlos Castaño qui a recruté dans les années 80 nombre de mercenaires israéliens et britanniques pour s’en servir comme instructeurs.
En 2003, cette organisation a négocié un accord de cessez-le feu avec le gouvernement du président Alvaro Uribe et devrait être théoriquement dissoute totalement d’ici la fin 2006 sous la supervision de l’Organisation des Etats américains (OEA). Elle envisagerait même de jouer un rôle politique dans l’avenir, ayant la « sympathie » de 35% des membres du Congrès.
Ainsi, le successeur de Castaño 3 : Salvatore Mancuso a déposé les armes avec 1 425 militants du « Bloc Catatumbo » le 10 décembre 2004. Le 18 décembre, 556 membres du « Bloc de Calima » ont également officiellement renoncé à la lutte armée. Le 2 février 2005, c’était au tour de 105 activistes du « Bloc de Mojana » de faire de même. Le 31 juillet, 860 paramilitaires du « Bloc libérateur du Sud » rendent leurs armes. Le 1 er août, se sont 2 000 combattants du « Bloc des héros de Grenade » qui acceptent de se démobiliser. Le 27 août, le « Bloc du Pacifique » libère ses 300 activistes. Le 11 septembre, 200 combattant du « Bloc nord-occidental » sont rendus à la vie civile.
Cependant, ce processus peut s’arrêter à tout moment, les deux leaders du mouvement, Salvatore Mancuso et Ernesto Baez, demandant que le gouvernement prenne des mesures sociales vis-à-vis des militants revenus à la vie civile.
D’ailleurs, en octobre 2005, Ivan Roberto Duque, le porte-parole officiel des AUC a annoncé que le processus de démobilisation était interrompu suite à l’arrestation de Diego Fernando Murillo Bejarano, alias « Don Berna », un des principaux négociateurs des AUC.
Le parcours de « Don Berna » est très intéressant à étudier. Il a appartenu successivement au cartel de Medellin, puis à celui de Cali, avant de rejoindre les AUC où il s’occupait essentiellement du trafic de drogue. Il était également à la tête d’une faction des AUC forte de 2 000 hommes qui s’est rendue aux autorités le 1 er août 2005. Sa tête était mise à prix par Washington pour 1,2 millions de dollars !
Cependant, d’autres unités poursuivent les opérations de démobilisation. Ainsi, le 12 décembre 2005, se sont quelques 2 200 membres du « Bloc Central Bolivar » qui déposent les armes. Ivan Roberto Duque alias « Ernesto Baez », un chef connu des AUC qui dirigeait cette unité, a également rendu à cette occasion deux hélicoptères !
Le nouveau dirigeant militaire de l’AUC serait Ramon Isara qui, pour l’instant, rejette les propositions gouvernementales. Des affrontements armés avec les FARC 4 ont encore lieu dans la province du Choco depuis la fin 2004. A la fin octobre 2005, de violents combats opposant des activistes de l’AUC aux FARC avaient lieu à 300 kilomètres à l’ouest de Bogota.
Luis Igancio Arstizabal, connu pour être un des avocats des narco-terroristes est tué par balles à Medellin le 22 octobre 2005. Ce crime est imputé à l’AUC et en particulier à Don Berna, qui dirige les milices d’extrême-droite dans cette région.
A noter que l’amnistie n’est prévue que pour les militants qui ne se sont pas rendus coupables de crimes de sang, ce qui limite dramatiquement son étendue ! Les autres paramilitaires accusés de meurtres devront se rendre dans l’enclave réservée pour eux à Santa Fe de Ratilo au nord du pays, dans l’attente d’une loi devant définir les mesures qui leur seront appliquées. A titre d’exemple, quatre membres du « Bloc de la capitale » ont été appréhendés le 13 décembre 2005 et accusés d’extorsion de fonds et de meurtres dans la région de Bogota. Luis Eduardo Mendez Martin alias « Andres », l’une des quatre personnes arrêtées est accusé de la bagatelle de 30 meurtres !
D’autres milices que l’AUC existent 5 comme le « Bloc Elmer Cardenas » de Jose Alfredo Berrio. Fort de 2 000 activistes, Aleman, son chef militaire a proposé de démobiliser son mouvement.
L’extension du problème colombien à l’étranger
Le nouveau problème semble résider dans l’exportation du drame colombien en direction de l’étranger : Venezuela, Panama, Equateur, Brésil6, Paraguay et Pérou où les guérillas marxistes, l’AUC et différents groupes criminels semblent installer des infrastructures en dépit des contrôles des frontières exercés par les forces armées locales.
Dans ces pays, les Colombiens étendent aux populations réfugiées, les luttes qu’ils mènent dans leur mère patrie. Les FARC entretiennent également des liens avec les mouvements d’extrême-gauche locaux comme le Parti de la Patrie libre (PPL) paraguayen.
Le Venezuela a une frontière commune de 2 000 kilomètres avec la Colombie impossible à contrôler hermétiquement. Les relations entre les président Uribe et Chavez sont exécrables, le premier accusant le second de soutenir les FARC, le second lui rétorquant qu’il est un suppôt des AUC !
Des faits viennent corroborer les déclarations du président Uribe. Ainsi, le 13 décembre 2004, Rodrogo Granda, le représentant des FARC à l’étranger, a été enlevé par des mercenaires alors qu’il séjournait librement au Venezuela. Cette opération clandestine a provoqué un grave incident diplomatique entre les deux pays.
En 2005, les forces de sécurité colombiennes ont saisi un millier d’uniformes d’origine vénézuélienne destinés aux FARC. Puis, le 11 juin 2005, Jose Maria Corredor, un baron de la drogue colombien s’est échappé de la prison de Caracas en soudoyant des membres des forces de l’ordre vénézuéliennes. Enfin, début octobre 2005, trois avions légers vénézuéliens transportant 6,5 tonnes de cocaïne, ont été interceptés au-dessus de la Colombie.
La situation sécuritaire en Equateur est catastrophique. Les enlèvements y sont très fréquents et sont souvent le fait de la criminalité locale qui collabore avec les FARC et l’AUC. Des militants des FARC ont été arrêtés à Quito en février 2005 alors qu’ils s’y faisaient soigner pour des blessures par balles. Deux financiers du même mouvement y ont également été interpellés en 2004 : Omeira Rojas Cabrera et Herminso Cuevas. Le 25 mars 2005, deux techniciens pétroliers ont été libérés par les forces de police équatoriennes dans la région montagneuse de Atacazo dans la province centrale de Pichincha. Les kidnappeurs, dont certains étaient de nationalité colombienne, demandaient une rançon d’un million de dollars.
Les 1 650 kilomètres de frontière commune avec le Brésil sont également impossible à surveiller efficacement. Des campements des FARC ont été repérés en 2005 à une vingtaine de kilomètres à l’intérieur du territoire brésilien. Les militants s’y livrent à des activités de prosélytisme. D’autre part, le cartel mexicain de Tijuana est présent dans la région de Leticia (capitale colombienne de l’Amazonie) et se livre à fructueux échanges avec les guérilleros colombiens (armes contre drogue).
Les cartellitos colombiens sont aussi très présents en Europe (particulièrement en Espagne 7 , en Italie, en Albanie) où, le plus souvent, ils coopèrent avec la pègre locale. En dehors du trafic de drogue qui reste leur activité prioritaire, ils étendent leurs activités au trafic d’êtres humains, au racket et aux assassinats sur contrat 8 .
Le président Alvaro Uribe, qui, d’une part a entamé une guerre sans concession contre les mouvements insurrectionnels d’extrême-gauche, et d’autre part a obtenu des premiers résultats tangibles dans la démobilisation des milices d’extrême-droite AUC, va briguer un deuxième mandat de quatre années lors des prochaines élections prévues en mai 2006. Si c’est le cas, les FARC vont vraisemblablement intensifier la lutte, particulièrement dans les ville du sud-ouest où elles sont bien implantées.
Par contre, si le président Uribe n’est pas réélu, il y a de fortes chances que les négociations avec les AUC soient interrompues et que les leaders de ce mouvement reprennent la lutte armée et le trafic de drogue à grande échelle. En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, le président Uribe reste actuellement le seul garant pour les leaders de l’AUC de ne pas être extradés vers les Etats-Unis.
Enseignements
La Colombie abrite ce qui peut être considéré comme l’exemple même de ce qu’est la criminalité organisée trans-nationale qui ne peut être affublée du mot « mafia ». En effet, aucun mouvement sud-américain ne développe cet « esprit mafieux » de famille, clan avec tout ce que cela implique : code de conduite parfois appelé abusivement « code d’honneur »9, cérémonie d’initiation, hiérarchie séculaire, etc.
En effet, les cartellitos et les narcoterroristes ne ressemblent pas aux mafias italiennes, aux clans albanais ou aux triades chinoises et autres yakusa japonais. Et pourtant, leurs activités sont les mêmes : drogue, prostitution, armes, trafics d’êtres humains, etc.
La sauvagerie dont font preuve les membres « non mafieux » mais criminels, en est d’autant plus grande qu’ils sont totalement incontrôlables, peuvent changer de camp à tout moment et ne s’interdisent absolument rien. La réputation des criminels colombiens n’est donc plus à faire. Ils sont les plus dangereux de la planète car les plus imprévisibles.
Quant au problème des négociations, il semble que les FARC n’aient pas un intérêt immédiat à ce qu’elles aboutissent, pour plusieurs raisons :
- il n’est pas sûr que les 59 otages soient toujours vivants, certains étant détenus depuis de nombreuses années ;
- ces négociations, si elles aboutissent, peuvent aider le président Alvaro Uribe à se faire réélire, ce que ne veulent absolument pas les dirigeants des FARC ;
- les FARC réclament la libération de deux de leurs membres détenus aux Etats-Unis pour trafic de drogue10, exigence qui semble impossible à remplir par le gouvernement colombien.
Cependant, afin de préserver les « liens amicaux » existant avec les « intellectuels » européens animés par un antiaméricanisme primaire, les FARC peuvent accepter de libérer quelques personnalités marquantes comme Ingrid Bétancourt. Cela permettra à ces mêmes « intellectuels » d’oublier les 1 599 autres otages restants et le fait que les FARC ne sont que des narco-terroristes de la pire espèce. Si une zone démilitarisée devait être créée sous la surveillance d’observateurs internationaux, il n’est pas impossible que plusieurs d’entre eux soient à leur tour enlevés pour être ensuite échangés contre rançon (pas forcément pécuniaire).
- 1Il l’aurait également fait pour les AUC.
- 2Les FARC auraient installé plus de 100 000 mines anti-personnels sur le territoire colombien, ce qui fait de ce pays le quatrième le plus dangereux dans ce domaine après l’Afghanistan, le Cambodge et la Tchétchénie. Dans les années récentes, 2 400 personnes ont été victimes de ce type d’arme et plus de 600 en sont décédées.
- 3A l’été 2004, ce dernier aurait été assassiné par des proches ou, selon certaines versions, aurait trouvé refuge en Israël.
- 4Si les militants historiques des AUC sont contre tout compromis avec les FARC, il semble que cela n’est pas le cas pour certains nouveaux cadres du mouvement qui n’hésitent pas à partager le trafic de drogue avec les FARC. Ainsi, des pactes de non-agression sont conclus localement, le temps d’effectuer des opérations financières intéressantes.
- 5La totalité des combattants d’extrême-droite est estimée à 19 000 hommes.
- 6L’ancien prêtre Francisco Antonio Cadenas Collazzos, alias « Oliverio Medina », le porte parole des FARC au Brésil, a été appréhendé à Sao Paulo le 24 août 2005 et devrait être extradé vers la Colombie.
- 7300 000 Colombiens vivent en Espagne dont 70 000 légalement. A Madrid, les autorités qui dénombraient six gangs colombiens en 2000 en comptent plus de 80 en 2005 ! S’ils réussissent à s’entendre, il pourront constituer le « cartel de Madrid ». Toujours dans la capitale ibérique, une prostituée sur trois est colombienne.
- 8Les tueurs à gages colombiens sont appelés des « sicarios ».
- 9Tous les experts savent que les vrais mafieux peuvent commettre les meurtres les plus abjects. Un seul « bon point » peut leur être accordé : la majorité d’entre eux (il y a des exceptions, les brebis galeuses existant dans toutes les structures humaines) respectent la « parole donnée ».
- 10Juvenal Ricardo Palmera et Omaira Rojas Cabrera.