Brésil : assassinat du numéro 3 du gang PCC
Alain RODIER
Si en matière de crime organisé latino-américain, la Colombie, le Pérou et surtout le Mexique font régulièrement la manchette des journaux, le Brésil est lui aussi un des pays les plus criminogènes de la planète avec 20 à 30 homicides pour 100 000 habitants. Un sanglant fait divers vient de le rappeler.
C’est ainsi que Rogério Jeremias de Simone – alias « Gegé do Mangue » -, un des plus importants responsable1 du célèbre gang « Premier Commando de la Capitale » (Primeiro Comando da Capital/PCC) a été retrouvé mort en compagnie de Fabiano Alves de Souza – alias « Paca » -, un autre membre de l’organe de commandement de cette organisation criminelle appelé « la Coupole », comme pour la Cosa Nostra Sicilienne. Détails sordides, les deux victimes portaient des blessures à la tête et avaient reçu un coup de couteau dans l’œil. Sachant que la violence au sein des organisations criminelles organisées est « systémique » (c’est-à-dire que l’on ne tue pas gratuitement), cette manière de procéder est un message destiné à être compris par les « initiés ». Peut-être que les assassins ont voulu signifier que ces deux victimes avaient été trop curieuses en cherchant à s’immiscer dans des affaires dont elles ne devaient pas se mêler. Selon les enquêteurs, la principale hypothèse est que ces crimes sont internes au PC et ne relèvent pas des guerres des gangs qui font rage depuis des années au Brésil. En effet, seuls quelques membres du PCC pouvaient savoir que « Gegé do Mangue » et son fidèle « Paca » étaient présents dans une réserve indienne reculée de l’État de Cear, situé au nord-est du Brésil, car leur cavale était tenue secrète
« Gegé do Mangue » qui était chargé de superviser le trafic de drogue au Paraguay pour le compte du PCC avait été libéré de prison en février 2017 après avoir purgé une peine de dix années d’incarcération. Il s’était ensuite évanoui dans la nature car il devait comparaître en avril de la même année dans deux affaires d’homicide. Lui et son complice « Paca » auraient commandité l’assassinat de deux délinquants dans la favela de Sapé, dans la zone ouest de São Paulo. Il avait alors été condamné par contumace à 47 années, 7 mois et 15 jours d’emprisonnement. Sa cavale s’est terminée tragiquement dans une région perdue du Brésil.
Le PCC est une organisation criminelle transnationale (OCT) également omplantée au Paraguay, en Argentine et en Colombie. Elle est dirigée par Marcos Willians Herbas Camacho – alias « Marcola » – qui purge une peine de 234 ans de prison dans un pénitencier dit de « haute sécurité ». En théorie, il est enfermé dans sa cellule 22 heures sur 24 et ne devrait pas pouvoir communiquer avec l’extérie. Mais la spécificité de la criminalité organisée au Brésil est qu’elle contrôle presque toutes les prisons – les gardiens n’ayant pas le choix s’ils ne veulent pas avoir des problèmes et protéger leur famille. Á noter que ces prisons accueillent plus de 230 000 pensionnaires pour 207 millions d’habitants (contre 76 000 en France pour 70 millions d’habitants). Les prisons sont les états-majors des OCT brésiliennes qui commanditent les opérations depuis leurs cellules. Parfois, des affrontements armés entre gangs ont lieu à l’intérieur même des établissements pénitentiaires, faisant des dizaines de morts.
En dehors du PCC, les autres organisations criminelles importantes dans le pays sont « Los Amigos dos Amigos », le « Terceiro Comando », le « Comando Vermelho » et les Hell’s Angels.
L’insécurité au Brésil, provient très souvent des favelas, lieux traditionnels du crime organisé. Elle a pris de telles proportions que pour la première fois depuis la fin de la dictature militaire survenue en 1985, le président Michel Temer a décidé que les forces de police qui dépendent de chaque État seraient placées sous l’autorité centrale de l’armée, au moins jusqu’à la fin de l’année 2018. Il a déclaré : « Le crime organisé a quasiment pris le contrôle de Rio. » Cette mesure prend effet immédiatement bien que le parlement doive la ratifier. Déjà, pour parer à cette menace durant la Coupe du Monde de football en 2014 et les Jeux Olympiques de 2016, 85 000 militaires et policiers avaient été mobilisés.
La lutte anti-criminalité au Brésil se retrouve donc centralisée au plus haut niveau avec l’armée comme fer de lance. Il faut dire que les fonctionnaires de police sont impuissants car beaucoup sont corrompus ou n’ont pas d’autre choix que de coopérer avec le crime organisé s’ils ne veulent pas être assassinés.
Plus globalement, le crime organisé est endémique sur l’ensemble du continent américain2. Toutes les grandes organisations criminelles transnationales s’y retrouvent, attirées par les juteux bénéfices pouvant être tirés de la multitude de trafics possibles: drogues, êtres humains, armes, racket, etc. Á la différence du phénomène terroriste qui ne peut pas vraiment déstabiliser les grandes démocraties, le crime organisé en a les moyens car il a profondément pénétré les rouages étatiques et privés3 grâce à une économie parallèle qui génère des ressources financières astronomiques. Il représente une menace vitale pour les décennies à venir.
- Il est présenté comme le « numéro trois » de ce gang dont la structure n’est pas vraiment pyramidale mais plutôt en râteau ; aussi cette désignation est vraisemblablement un peu exagérée. Il n’en reste pas moins qu’il occupait un haut rang dans l’organisation. ↩
- Pour plus de détails, voir Alain Rodier, Le crime organisé du Canada à la Terre de feu, éditions du Rocher, Paris, 2013. Les fondamentaux y sont expliqués et ce livre est toujours très actuel. ↩
- Il ne cherche pas à prendre officiellement le pouvoir mais a besoin d’États faibles auxquels il s’accroche comme une sangsue. ↩