Arabie Saoudite attaque contre le site de raffinage d’Abqaïq
Alain RODIER
Le vendredi 25 février 2006, trois véhicules portant le sigle de la société pétrolière saoudienne Aramco tentent de pénétrer en force dans le complexe pétrolier le plus important de la planète1, celui d'Abqaïq (aussi appelé Baqiq) situé à l'est de l'Arabie saoudite, afin d'y effectuer un attentat kamikaze. Le commando arrive à franchir un premier poste de contrôle situé à environ un kilomètre et demi de l'entrée principale, en abattant au passage deux officiers de sécurité. Les personnels en poste à un deuxième barrage, situé un peu plus loin, alertés par la fusillade, accueillent les véhicules avec des tirs nourris. Les deux voitures de queue explosent, les charges les équipant étant vraisemblablement mises en œuvre par les conducteurs qui, estimant la situation désespérée, décident de mourir en martyrs plutôt que d'être faits prisonniers2. Ces explosions occasionnent huit blessés parmi les personnes présentes. Dans le véhicule de tête, qui servait de voiture bélier et d'appui feu au commando, deux autres terroristes sont tués par balles.
Le jour même, Al-Qaida officialise la tentative via un site Internet : « avec la grâce de Dieu, les combattants héros de l'escadron du Cheikh Oussama Ben Laden, ont réussi aujourd'hui à pénétrer sur un site de raffinage de pétrole et de gaz de ville d'Abqaïq dans l'est de la péninsule, et ont ensuite fait entrer deux voitures piégées par deux candidats au martyr ».
Dès le 16 décembre 2004, Oussama Ben Laden avait déclaré sur ansarnet : « la responsabilité de la situation actuelle en Arabie saoudite incombe au régime ». Peu de temps après, il demandait à ses partisans de s'attaquer aux installations pétrolières de la région. Déjà en Irak, ce sont elles qui constituent les premières cibles des activistes internationalistes d'Al-Qaida. L'objectif est toujours le même : chasser les Occidentaux en général, et les Américains en particulier, de la région afin de rendre les ressources pétrolières et gazières à leurs légitimes propriétaires : les musulmans. Oussama Ben Laden a bien compris que les approvisionnements en matières premières énergétiques constituaient le talon d'Achille des Occidentaux. Son discours est relayé par son second, le docteur Ayman Al-Zawahiri, qui déclare à la fin 2005 que les « moudjahédines doivent concentrer leurs attaques sur le pétrole volé aux musulmans […] il convient de ne pas laisser les voleurs actuels (les gouvernants musulmans considérés comme des apostats) contrôler ce pétrole ».
Les forces de sécurité saoudiennes luttent avec efficacité, particulièrement depuis 2003, contre les activistes islamiques présents dans le royaume. De nombreux militants et responsables d'Al-Qaida dans la péninsule arabique ont été abattus. Mais, ils sont peu à peu remplacés par de nouvelles recrues fanatisées par les « exploits » de leurs aînés. D'autre part, des Saoudiens internationalistes qui combattaient en Irak seraient de retour dans le royaume pour y prolonger le combat. Actuellement, les trois responsables d'Al-Qaida dans le pays seraient : Abdullah Al-Rashoud, un idéologue ; Khaled Jehani, un ancien combattant de Bosnie et de Tchétchénie ; et Omar Sayed Al-Khalayleh. Nul doute que l'un de ces personnages (ou les trois), n'ait joué un rôle dans cette tentative d'attentat qui nécessitait une préparation minutieuse bien qu'elle soit simplifiée par le fait que les exécutants n'avaient pas à préparer d'exfiltration, sachant à l'avance, qu'ils ne reviendraient pas vivants.
Il est plus que probable que des attaques contre des installations pétrolières et gazières vont se poursuivre dans la région. Les autorités, conscientes de ce risque, ont pris leurs précautions, ce qui explique l'échec de l'opération lancée par « l'Escadron du Cheikh Oussama Ben Laden ». Il convient surtout de pas baisser la garde dans ce domaine, tout en poursuivant la traque des activistes islamiques qui doivent, si possible, être neutralisés avant d'avoir pu déclencher les opérations qu'ils projettent.
- 12/3 du pétrole brut saoudien sont raffinés au sein de ce complexe avant d'être exportés vers l'étranger.
- 2Ces deux kamikazes ont été identifiés comme Abdullah Abdul-Aziz al-Tuwajeri et Mohamed Saleh al-Ghaith, tous deux faisaient partie des suspects recherchés par les autorités saoudiennes dans une liste publiée le 8 juin 2005.